Quandlâignorance se met Ă oser, câest quâelle a en elle une boussole. Cette boussole, câest lâintuition du vrai, plus claire parfois dans un esprit simple que dans un esprit compliquĂ©. novembre 9, 2011 FrĂ©dĂ©rick JĂ©zĂ©gou . Rien nâĂ©gale la timiditĂ© de lâignorance, si ce nâest sa tĂ©mĂ©ritĂ©. Quand lâignorance se met Ă oser, câest quâelle a en elle une boussole
Webescence- Citations. Accueil > Michel de Montaigne > La vraie science est une ignorance qui se sait. âLa vraie science est une ignorance qui se sait.â. Michel de Montaigne. Essais.
Quant Ă la science en elle-mĂȘme, ils disent que c'est ou bien la comprĂ©hension sĂ»re, ou bien une disposition dans la rĂ©ception des reprĂ©sentations qui ne se laisse pas renverser par un raisonnement. Sans la thĂ©orie dialectique, le sage ne sera pas infaillible dans le raisonnement. C'est par elle qu'il connaĂźtra parfaitement le vrai
Pendantque lâalpiniste "Dod" parcourait en parapente le tour de la France en suivant Ă un mĂštre prĂšs ses frontiĂšres, sâouvrait Ă Bordeaux le colloque "Savoir ignorer" proposant une rĂ©flexion sur une dialectique peu commune: la connaissance de lâignorance.. Savoir ignorer ce nâest pas ignorer le savoir mais savoir ce que le savoir oublie ou ne
Etdâailleurs que vaudrait un bonheur sans intelligence, dâignorants. Aussi on peut se demander sâil est vraiment vrai quâil ne peut y avoir de bonheur intelligent. Câest donc du problĂšme de la compatibilitĂ© du bonheur et de lâintelligence, de la place de lâintelligence dans les conditions nĂ©cessaires et suffisantes Ă la
JessicaCallet TL1 La science dĂ©livre t-elle de l'ignorance ? Au premier coup dâĆil la science nous apparaĂźt comme un systĂšme de connaissances. La science a un double but. D'une part elle doit satisfaire un besoin de l'esprit; de l'autre,
Nossavoirs, loin de se dĂ©gager au cours de l'histoire comme une architecture massive et limpide, se rĂ©vĂšlent au contraire comme opaques et trouĂ©s d'ignorances.. Ces ignorances revĂȘtent plusieurs formes.. Il y a ce qu'on croit savoir, le prĂ©jugĂ©, source de haine et d'incomprĂ©hension. Il y a ce qu'on a oubliĂ©, ce patrimoine qui se perd Ă mesure que l'on
Onne saurait trop se défier de ce qu'on sait, et trop se hùter d'apprendre ce qu'on ignore. Une demi-science est la pire des ignorances, car non seulement elle ne sait pas qu'elle ignore, mais elle veut encore trÚs souvent savoir ce qu'elle ne sait pas. Citation de Alfred Auguste Pilavoine; Les pensées, mélanges et poésies (1845) La vraie modestie est dans
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ÏаЎáŒŃ. Oli0vLl. ï»ż6 Science sans conscience nâest que ruine de lâĂąme » quelle est la signification de cette cĂ©lĂšbre citation de Rabelais ? En quoi la morale doit-elle accompagner le savoir ? InterprĂ©tation. François Rabelais 1494-1553 est un Ă©crivain français humaniste de la Renaissance. Il est notamment lâauteur de Pantagruel et Gargantua. Câest dans Pantagruel que Rabelais emploie son cĂ©lĂšbre aphorisme science sans conscience nâest que ruine de lâĂąme. » Le chapitre 8 de cet ouvrage est une Ă©mouvante lettre de Gargantua Ă son fils Pantagruel, dans laquelle il lâencourage Ă poursuivre et parfaire sa formation humaniste Câest pourquoi, mon fils, je tâengage Ă employer ta jeunesse Ă bien progresser en savoir et en vertu. ⊠Jâentends et je veux que tu apprennes parfaitement les langues. ⊠Quâil nây ait pas dâĂ©tude scientifique que tu ne gardes prĂ©sente en ta mĂ©moire. Des arts libĂ©raux gĂ©omĂ©trie, arithmĂ©tique et musique, je tâen ai donnĂ© le goĂ»t quand tu Ă©tais encore jeune, Ă cinq ou six ans, continue. ⊠De lâastronomie, apprends toutes les rĂšgles. ⊠Du droit civil, je veux que tu saches par cĆur les beaux textes, et que tu me les mettes en parallĂšle avec la philosophie. Et quant Ă la connaissance de la nature, je veux que tu tây donnes avec soin. ⊠Puis relis soigneusement les livres des mĂ©decins grecs, arabes et latins, sans mĂ©priser les Talmudistes et les Cabalistes, et, par de frĂ©quentes dissections, acquiers une connaissance parfaite de lâautre monde quâest lâhomme. Et quelques heures par jour commence Ă lire lâĂcriture sainte. ⊠En somme, que je voie en toi un abĂźme de science car, maintenant que tu deviens homme et te fais grand, il te faudra quitter la tranquillitĂ© et le repos de lâĂ©tude pour apprendre la chevalerie et les armes afin de dĂ©fendre ma maison. ⊠Mais â parce que, selon le sage Salomon, Sagesse nâentre pas en Ăąme malveillante et que Science sans Conscience nâest que ruine de lâĂąme â tu dois servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en lui toutes tes pensĂ©es et tout ton espoir ; et par une foi nourrie de charitĂ©, tu dois ĂȘtre uni Ă lui, en sorte que tu nâen sois jamais sĂ©parĂ© par le pĂ©chĂ©. MĂ©fie-toi des abus du monde ; ne prends pas Ă cour les futilitĂ©s, car cette vie est transitoire, mais la parole de Dieu demeure Ă©ternellement. Sois serviable pour tes prochains, et aime-les comme toi-mĂȘme. RĂ©vĂšre tes prĂ©cepteurs. Fuis la compagnie de ceux Ă qui tu ne veux pas ressembler, et ne reçois pas en vain les grĂąces que Dieu tâa donnĂ©es. Et, quand tu tâapercevras que tu as acquis tout le savoir humain, reviens vers moi, afin que je te voie et que je te donne ma bĂ©nĂ©diction avant de mourir. Mon fils, que la paix et la grĂące de Notre Seigneur soient avec toi. Amen. DâUtopie, ce dix-sept mars, Ton pĂšre, Gargantua. Dans cette lettre, Gargantua propose Ă son fils un programme exhaustif et encyclopĂ©dique il lâencourage Ă accumuler une somme de savoirs. Mais il prĂ©cise que cette accumulation de savoirs doit sâaccompagner de vertu » elle doit se faire au service de la sagesse. Il met en garde Pantagruel contre la dĂ©rive qui consisterait Ă profiter de cette connaissance pour soi-mĂȘme, au lieu de la mettre au service de Dieu et dâautrui. Voyons prĂ©cisĂ©ment ce que signifie la cĂ©lĂšbre citation de Rabelais. Rabelais fait donc la distinction entre la science câest la somme des savoirs quâil est possible dâacquĂ©rir et de cumuler, la conscience câest le fait dâutiliser ces savoirs Ă b
Produire son Ă©lectricitĂ© avec des centrales nuclĂ©aires prĂ©sente un bilan trĂšs contrastĂ© dâavantages et dâinconvĂ©nients. Dâun cĂŽtĂ© la nĂ©cessitĂ© de maĂźtriser le risque dâune perte de contrĂŽle des rĂ©acteurs, la difficile gestion des dĂ©chets radioactifs, et pour ceux qui ne fabriquent pas eux-mĂȘmes rĂ©acteurs et combustibles une dĂ©pendance absolue vis Ă vis des fournisseurs. De lâautre une Ă©lectricitĂ© abondante et pilotable, aux coĂ»ts qui peuvent ĂȘtre trĂšs compĂ©titifs⊠ou non en fonction des situations. Une grande Ă©conomie de matiĂšres premiĂšres et dâespace. Des centrales pratiquement dĂ©nuĂ©es dâĂ©missions de particules ou de gaz nocives pour la santĂ© et lâenvironnement. Une balance Ă jauger en fonction des besoins et caractĂ©ristiques des pays et systĂšmes Ă©lectriques, ce qui peut aboutir Ă dire oui ou non Ă cette technologie. Toutefois, un aspect de lâĂ©nergie nuclĂ©aire semble sans contestation possible le fait quâil permette lâaccĂšs Ă une Ă©lectricitĂ© Ă trĂšs faible impact sur le climat â comparable, voire meilleure au MWh produit, Ă lâĂ©olien, au solaire ou Ă lâhydraulique. Un avantage massif, au regard du charbon et du gaz, source de prĂšs de 70% de lâĂ©lectricitĂ© mondiale et dont la combustion Ă©met du CO2, le gaz Ă effet de serre n°1 des Ă©missions anthropiques provoquant le changement climatique en cours. Dans les scĂ©narios Ă©nergĂ©tiques, ceux examinĂ©s par le GIEC ou dâautres experts, le nuclĂ©aire fait donc partie des mix Ă©lectriques envisagĂ©s pour attĂ©nuer la menace climatique. Lâignorance des hostiles Mais cet aspect est-il un fait connu, partagĂ©, permettant un dĂ©bat public informĂ© sur le sujet ? Une Ă©tude sociologique rĂ©alisĂ©e par IPSOS pour le compte dâEDF depuis 2012 chaque annĂ©e semble montrer que non. Dans une mesure pour le moins alarmante pour qui souhaite une dĂ©cision citoyenne sur le sujet Ă©nergĂ©tique. A partir dâune enquĂȘte rĂ©alisĂ©e par internet 1, confirmant les ordres de grandeurs dâautres Ă©tudes, il est permis dâaffirmer que lâignorance rĂšgne plus que la connaissance de ce fait. Que nos concitoyens sont victimes dâune grande tromperie qui pĂšse sur leur rĂ©flexion. DâaprĂšs lâenquĂȘte IPSOS 75% des personnes se dĂ©clarant le plus hostiles Ă lâĂ©lectricitĂ© nuclĂ©aire croient que les centrales nuclĂ©aires contribuent beaucoup » Ă lâeffet de serre. Lâignorance est massive, puisque si lâon additionne les beaucoup » 44% et les un peu » 34%, on frĂŽle les 80% des sondĂ©s attribuant aux centrales nuclĂ©aires une responsabilitĂ© dans lâĂ©lĂ©vation de la teneur de lâatmosphĂšre en gaz Ă effet de serre, et donc dans le changement climatique. MĂȘme une vision optimiste â pour lâĂ©tat des connaissances de nos concitoyens â parvient quand mĂȘme Ă constater que prĂšs de la moitiĂ© de la population se met le doigt dans lâĆil jusquâau coude. Je crois donc je sais lâun des rĂ©sultats les plus frappant de lâenquĂȘte est la dĂ©pendance Ă lâopinion de la diffusion dâune connaissance pourtant robuste, celle qui explique pourquoi le systĂšme Ă©lectrique français est dĂ©carbonĂ© » Ă prĂšs de 90%. Un peu comme la situation amĂ©ricaine oĂč le vote DĂ©mocrate ou RĂ©publicain permet de prĂ©dire votre opinion sur la cause ou la rĂ©alitĂ© du changement climatique. LâenquĂȘte relie la position la plus hostile Ă lâusage de lâĂ©lectricitĂ© dâorigine nuclĂ©aire avec lâignorance la plus massive 75% des sondĂ©s se dĂ©clarant tout Ă fait contre » lâutilisation du nuclĂ©aire croient que les centrales nuclĂ©aires contribuent beaucoup » Ă lâeffet de serre. La seule option de politique Ă©nergĂ©tique qui rassemble des personnes majoritairement informĂ©es de la vĂ©ritable liaison entre nuclĂ©aire et climat est celle qui se dĂ©clare tout Ă fait pour » cette source dâĂ©lectricitĂ©. Les opinions moins tranchĂ©es se distribuent entre ces deux extrĂȘmes. Un psycho-sociologue y verrait une magnifique illustration du biais de confirmation » qui encourage les individus Ă Ă©carter toute information susceptible de mettre en cause leur croyance. Si lâon croit que lâĂ©nergie nuclĂ©aire, câest mauvais, alors il faut quâelle soit mauvaise aussi pour le climat⊠que lâon veut prĂ©server. Le souci climatique est trĂšs fort Ce nâest pas par nĂ©gligence du dossier climatique que les sondĂ©s en arrivent Ă partager massivement cette ignorance dâune des caractĂ©ristiques principales de lâĂ©lectricitĂ© dâorigine nuclĂ©aire. Ils sont en effet plus de 90% Ă considĂ©rer le changement climatique comme trĂšs prĂ©occupant » ou assez prĂ©occupant ». Plus encore ils sont prĂšs de 90% Ă considĂ©rer que pour choisir les Ă©nergies Ă utiliser lutter contre le changement climatique » est soit trĂšs important » 49% soit plutĂŽt important ». On pourrait donc sâattendre Ă ce que nos concitoyens fassent lâeffort nĂ©cessaire pour comprendre lâorigine premiĂšre du problĂšme â lâĂ©mission massive de gaz Ă effet de serre issus de la combustion du pĂ©trole, du charbon et du gaz. Et donc se rendre compte de ce quâune centrale nuclĂ©aire ne fait pas partie du problĂšme mais, Ă©ventuellement, de sa solution. Il convient toutefois de noter que cette enquĂȘte, aprĂšs dâautres, confirme que la population française nâest pas dans lâunanimitĂ© Ă ce sujet. Une grosse majoritĂ© affirme, en accord avec les climatologues, que nous vivons un changement climatique anthropique, causĂ© par lâhomme, mais ils ne sont que 67% en 2017 et nâĂ©taient que seulement 55% en 2012. Plus on est jeune et plus on ignore Lâanalyse du dĂ©tail par tranche de population fait percevoir une dĂ©gradation de la culture scientifique inversement proportionnelle⊠à lâĂąge. Plus on est jeune et plus on se trompe. Entre 18 et 24 ans, 63% de la population est persuadĂ©e du caractĂšre climaticide des centrales nuclĂ©aires. Et encore 55% des 25 Ă 34 ans. Curieusement, les jeunes sont aussi plus massivement convaincus que les vieux 75% des moins de 25 ans contre 50% des plus de 65 ans du caractĂšre anthropique du changement climatique. Autrement dit, la prĂ©occupation climatique ne conduit absolument pas Ă la connaissance de la physique du climat, laquelle nous dit quâune centrale nuclĂ©aire nâest pas une cause du changement climatique. Les femmes se distinguent mal, avec un score de 57% persuadĂ©es que les centrales nuclĂ©aires Ă©mettent beaucoup » de gaz Ă effet de serre, mais câest lĂ un rĂ©sultat qui trouve sa source dans⊠lâhostilitĂ© quâelles marquent puisquâelles sont 51% Ă se dĂ©clarer tout Ă fait contre ou contre leur utilisation, alors que seuls 39% des hommes sont dans ce cas. Le bilan des pour/contre » lâutilisation du nuclĂ©aire pour lâĂ©lectricitĂ© est proche du match nul, avec 46% de contre contre 42% de pour. Les raisons invoquĂ©es par les uns et les autres pour choisir les Ă©nergies Ă utiliser sont diverses emplois, protection de lâenvironnement, santĂ© publique, coĂ»t⊠et lutter contre le changement climatique. Mais peut-on considĂ©rer que cette derniĂšre raison est envisagĂ©e Ă bon escient lorsque tant de citoyens se trompent aussi lourdement sur la relation entre centrales nuclĂ©aires et Ă©missions de gaz Ă effet de serre ? Le graphique ci-dessus montre en effet que les citoyens les plus soucieux de lutter contre le changement climatique sont Ă©galement les plus opposĂ©s au nuclĂ©aire. Une opinion qui serait tout Ă fait respectable si elle ne sâaccompagnait pas dâune ignorance largement partagĂ©e sur la vĂ©ritable relation entre nuclĂ©aire et climat. LâĂ©lectricitĂ© allemande et française Pour comprendre lâenjeu de lâorigine de lâĂ©lectricitĂ©, une comparaison des systĂšmes Ă©lectriques allemand et français est utile. En voici une, effectuĂ©e le 10 avril Ă prĂšs de 11h, au moment de lâĂ©criture de cet article, Ă lâaide dâun site web qui prĂ©sente en temps rĂ©el des systĂšmes Ă©lectriques et leurs Ă©missions de gaz Ă effet de serre Ce jour lĂ et Ă cette heure lĂ , le systĂšme Ă©lectrique allemand est dans une situation assez reprĂ©sentative de ses performances moyennes, proche en termes dâĂ©missions de gaz Ă effet de serre de lâannĂ©e 2017 montre le graphique ci-contre. Avec 40% de renouvelables et 14% de nuclĂ©aire, il affiche une Ă©mission de CO2 de 387 g/kWh, due pour lâessentiel Ă ses centrales Ă charbon. Une performance menacĂ©e Ă court terme, puisque toutes les centrales nuclĂ©aires seront fermĂ©es dâici 2022 et il est peu probable que les renouvelables parviendront Ă compenser toute la perte de production dâici lĂ . Un graphique permet de mieux comprendre les Ă©missions de CO2 du systĂšme Ă©lectrique allemand et leurs Ă©volutions depuis 2000, de 640 g/kWh Ă 500 g/kWh en 2017 Lâimplantation de milliers dâĂ©oliennes, de panneaux photovoltaĂŻques et lâusage massif de la combustion des dĂ©chets mĂ©nagers a permis une diminution des Ă©missions de CO2 du systĂšme Ă©lectrique allemand. Mais elles demeurent trĂšs Ă©levĂ©es comparĂ©es Ă la France, la SuĂšde ou la NorvĂšge. A la mĂȘme heure et le mĂȘme jour, voici le systĂšme français. Avec son mix formĂ© surtout du nuclĂ©aire, de lâhydraulique, auquel sâajoutent un peu dâĂ©olien et de solaire, il est dĂ©carbonĂ© Ă 93% et nâĂ©met que 60 g de CO2 par kWh. Une performance durable, puisque fondĂ©e sur des moyens de production susceptibles de se perpĂ©tuer pour des dĂ©cennies. Elle correspond Ă celle que lâon attend en moyenne des systĂšmes Ă©lectriques des pays dĂ©veloppĂ©s dâici 2050 si lâon veut sâapprocher des objectifs climatiques fixĂ©s lors de la COP-21 Ă Paris en 2015, limiter le rĂ©chauffement Ă 2°C de plus en moyenne planĂ©taire quâavant la RĂ©volution industrielle. Elle pourrait toutefois se dĂ©grader si la diminution de la puissance nuclĂ©aire Ă©tait compensĂ©e par un mix gaz/renouvelables comme le prĂ©voit la loi sur la transition Ă©nergĂ©tique votĂ©e par le Parlement sous François Hollande. Un dĂ©bat public vĂ©rolĂ© Pourquoi la population française est-elle Ă ce point dupĂ©e sur une caractĂ©ristique majeure et dĂ©cisive pour la politique climatique de son systĂšme Ă©lectrique ? La question interroge lâĂ©cole, les formations supĂ©rieures, la presse, mais aussi les discours des responsables politiques et militants. Tout responsable politique doit se demander sâil sâexprime clairement sur ce sujet. Tout journaliste concernĂ© doit se demander si ce quâil dit et Ă©crit ou pas contribue ou pas Ă maintenir les citoyens dans cet Ă©tat dâignorance ou Ă lâinformer correctement. Que lâon soit en dĂ©saccord avec lâutilisation de cette Ă©nergie parce que lâon nâest pas convaincu que les pratiques des industriels comme le dispositif public de contrĂŽle du risque nuclĂ©aire par lâAutoritĂ© de SĂ»retĂ© NuclĂ©aire sont efficaces pour nous protĂ©ger est respectable. Et peut constituer une raison pour refuser cette source dâĂ©lectricitĂ©. Mais que le dĂ©bat public soit vĂ©rolĂ© par une ignorance aussi criante de la capacitĂ© de lâĂ©nergie nuclĂ©aire Ă apporter une solution pĂ©renne et massive Ă une fourniture dâĂ©lectricitĂ© climato-compatible est une tare pour la vie dĂ©mocratique. Sylvestre Huet 1 EnquĂȘte IPSOS sur un Ă©chantillon reprĂ©sentatif de la population de 1389 personnes de plus de 18 ans vivant en France, rĂ©alisĂ©e du 15 juin au 6 juillet 2017. Le questionnaire, lâanalyse et les graphiques proviennent de JĂ©rome CubiliĂ© des Etudes et Recherches dâEDF.
"La vĂ©ritĂ© est dans la contradiction." Friedrich Hegel Lâerreur, fondement de⊠la vĂ©ritĂ© scientifique Avertissement, nous ne voulons discuter ici ni des fausses sciences, ni des para-sciences, ni des pseudo-sciences, ni des magies, ni des conceptions religieuses des sciences, ni des menteurs et des trafiquants de la science, ni de la notion de fraude en sciences, ni de la bonne foi ou de la mauvaise foi dans lâerreur, ni mĂȘme du caractĂšre limitĂ© des capacitĂ©s de lâhomme en sciences et des difficultĂ©s de la connaissance, mais au contraire des succĂšs de la connaissance au cours du fonctionnement normal, courant, habituel de la science, celui fonctionne Ă partir dâerreurs et pour parvenir Ă dâautres erreurs, tout en nâayant jamais cessĂ© de chercher la vĂ©ritĂ©. Nous ne dĂ©veloppons pas ici une conception qui soutienne lâimportance du doute mĂ©thodologique, de la confrontation Ă lâexpĂ©rience ou de la compatibilitĂ© avec les autres connaissances, de la nĂ©cessitĂ© de se remettre en question, ni de toute autre conception de type moral sur la dĂ©marche scientifique. Nous ne discutons pas ici des critĂšres de vĂ©rification des preuves, ni des conceptions diverses de la vĂ©ritĂ©. Nous ne cherchons pas non plus Ă opposer la notion de recherche de la vĂ©ritĂ© aux conceptions philosophiques des diverses sociĂ©tĂ©s, et Ă relativiser ainsi la science, ni Ă dĂ©velopper un quelconque scepticisme Ă son Ă©gard, ni encore Ă soutenir un pragmatisme qui pousse Ă affirmer que la vĂ©ritĂ© absolue ne serait pas un but de la science qui devrait se contenter de vĂ©ritĂ©s partielles et locales. Nous ne voulons pas discuter des oppositions entre vĂ©ritĂ© et rĂ©alitĂ©, entre vĂ©ritĂ© et mensonge, entre vĂ©ritĂ© et possibilitĂ©, etc⊠Non, nous voulons simplement discuter du caractĂšre Ă notre avis indispensable, incontournable et positif de lâerreur en sciences, mĂȘme si ce nâest bien entendu pas le cas de nâimporte quelles erreurs ni Ă tout moment au sein du processus de la science⊠LIRE AUSSI Quâest-ce que la vĂ©ritĂ© ? Quâest-ce que la science ? La vĂ©ritĂ© scientifique est-elle dans les faits ? Quâest-ce que le phĂ©nomĂšne » ? La science et lâexpĂ©rience Contre lâĂ©clectisme, le relativisme et le scepticisme Contre lâempirisme La dialectique est-elle indispensable Ă la pensĂ©e scientifique Faut-il une philosophie en sciences ? Lâimportance des paradigmes en sciences La science est-elle rĂ©futable ? La science est-elle mathĂ©matique ? La mystification de la matiĂšre LâobjectivitĂ© du monde matĂ©riel Pourquoi la matiĂšre Ă©chappe Ă lâintuition et au bon sens Il ne saurait y avoir de vĂ©ritĂ© premiĂšre. Il nây a que des erreurs premiĂšres. » Gaston Bachelard La vĂ©ritĂ© est un mensonge rectifiĂ©. » Gaston Bachelard Parfois le mensonge explique mieux que la vĂ©ritĂ© ce qui se passe dans lâĂąme. » Maxime Gorki La vĂ©ritĂ© est dans la contradiction. » Friedrich Hegel En fait de vĂ©ritĂ©s inutiles, lâerreur nâa rien de pire que lâignorance. » Jean-Jacques Rousseau Pour le bon sens commun comme dans la conception de bien des auteurs, notamment celle des scientifiques, la vĂ©ritĂ© scientifique serait diamĂ©tralement opposĂ©e Ă lâerreur et, comme telle, Ă combattre attentivement, Ă dĂ©masquer, Ă effacer, Ă dĂ©noncer⊠Ainsi raisonnait notamment Descartes qui affirmait que "Il est certain que nous ne prendrons jamais le faux pour le vrai tant que nous ne jugerons que de ce que nous apercevons clairement et distinctement." Certains en sont mĂȘme restĂ©s Ă lâidĂ©e quâune vĂ©ritĂ© scientifique serait aussi indiscutable que un plus un Ă©gale deux » ! Elle devrait ĂȘtre fondĂ©e sur des certitudes de prĂ©fĂ©rence Ă©tayĂ©es mathĂ©matiquement et que lâon ne devrait jamais plus remettre en question. Ces personnes pensent que le progrĂšs des sciences irait de vĂ©ritĂ©s en vĂ©ritĂ©s, quâelle progresse de maniĂšre continue ou saccadĂ©e, par rĂ©volutions scientifiques ou par petits progrĂšs, thĂ©oriques comme expĂ©rimentaux. Ils pensent quâil nây aurait jamais de retour en arriĂšre vers des thĂšses abandonnĂ©es pendant longtemps et que lâon croyait dĂ©finitivement rejetĂ©es. Ils nâont pas conscience de fonder leur conception de la science dĂ©jĂ sur une erreur la science ne peut pas progresser sans se hasarder sur des hypothĂšses comme le soulignait Henri PoincarĂ© et aller jusquâau bout de leur examen, quitte Ă se hasarder dans des impasses. Mais, en progressant ainsi, la science ne se trompe pas elle ne peut pas faire autrement que dâexplorer et dâinventer des voies quitte Ă trouver quâelles ne sont pas les bonnes. La science progresse dâerreur en erreur et non de vĂ©ritĂ© en vĂ©ritĂ©. Jamais nous ne disposons de vĂ©ritĂ© indiscutable en sciences, ne serait-ce que parce que nos possibilitĂ©s dâaccĂ©der aux informations sur le monde sont limitĂ©es par les moyens techniques de notre Ă©poque. On ne voit pas les mĂȘmes choses avec un microscope quâavec un microscope Ă effet tunnel ! On ne trouve les mĂȘmes rĂ©sultats sur les propriĂ©tĂ©s de la matiĂšre dans un tube Ă essais que dans un accĂ©lĂ©rateur de particules ! Et les images que nous pouvons nous donner du fonctionnement du monde matĂ©riel dĂ©pendent dĂ©jĂ des connaissances issues de ces moyens dâobservation. Ainsi, nous sommes capables dâobserver plus avant dans la matiĂšre, vers le plus petit, le plus loin dans lâespace, le plus Ă©nergĂ©tique, le mouvement le plus rapide, le plus en temps court au fur et Ă mesure des Ă©poques. Et cela change considĂ©rablement ce que lâon voit mais aussi notre vision du monde, câest-Ă -dire nos conceptions de la matiĂšre. Lâexemple de la physique quantique est lĂ pour nous montrer que le plus petit nâest pas une rĂ©duction de ce qui se passe Ă niveau plus grand en taille, ce nâest pas une simple rĂ©duction⊠Un monde hiĂ©rarchiquement infĂ©rieur peut avoir des fonctionnements et des lois complĂštement diffĂ©rentes de ce quâelles sont au niveau supĂ©rieur. Le monde Ă lâĂ©chelle quantique de la taille dâune action correspondant Ă un ou Ă un petit nombre de quanta de Planck ne fonctionne pas du tout sur le modĂšle que nous concevons pour la matiĂšre Ă notre Ă©chelle. Le monde du vide quantique fonctionne encore sur un tout autre mode que celui des particules dites Ă©lĂ©mentaires. Par exemple, la mĂ©canique classique avec vitesse et position ne fonctionne que pour tout ce qui est plus grand que notre Ă©chelle dite macroscopique mais pas au niveau quantique. Et le temps lui-mĂȘme, avec son Ă©coulement en une seul sens nâexiste plus du tout dans le vide quantique ! Il y a de vĂ©ritables sauts entre les diffĂ©rents niveaux emboitĂ©s qui constituent le monde. Il est certes possible dâĂ©tudier des phĂ©nomĂšnes impliquant essentiellement un seul niveau et câest ce qui permet de raisonner suivant une conception en oubliant les autres. On peut ainsi continuer Ă utiliser la mĂ©canique classique ou lâĂ©lectromagnĂ©tisme classique dans certains domaines. Mais il faut quand mĂȘme savoir que lâon a choisi, en agissant ainsi, de faire abstraction de toute une partie de la rĂ©alitĂ©, dâĂ©chelle beaucoup plus grande ou beaucoup plus petite que ce soit en termes de distance, de temps, dâĂ©nergie. De la mĂȘme maniĂšre, on peut tout Ă fait vivre et agir efficacement sur terre en considĂ©rant que la terre est plate sans trop se tromper. Il peut mĂȘme ĂȘtre bien plus faux de raisonner Ă notre Ă©chelle Ă partir de lâidĂ©e que la terre est ronde. Le mensonge » de la terre plate est une vĂ©ritĂ© pour celui qui construit un immeuble, qui utilise pour cela un niveau Ă bulle indiquant les verticales et les horizontales. Les verticales, prises pour deux lieux peu Ă©loignĂ©s, sont considĂ©rĂ©es par le bĂątisseur comme des parallĂšles. Pourtant, nous savons maintenant que ces verticales sont fondĂ©es sur la gravitation qui attire toutes les masses vers le centre de gravitĂ© de la terre et donc loin dâĂȘtre des parallĂšles, ces droites se rencontrent toutes en un mĂȘme point !!! Et pourtant, Ă notre Ă©chelle, cette erreur thĂ©oriquement totalement fausse, est une vĂ©ritĂ© pratique, car les techniques de construction du BĂątiment ne peuvent avoir une plus grande prĂ©cision. Il serait mĂȘme absurde de chercher une prĂ©cision plus grande pour deux parallĂšles. De telles erreurs », qui sont en mĂȘme temps en quelque sorte des vĂ©ritĂ©s, ne sont pas des exceptions ou des cas particuliers. On est sans cesse dans la situation du bĂątisseur qui fonctionne sur la base dâapproximations et dâimages partiellement ou totalement erronĂ©es mais qui fonctionnent bien. Nous sommes sans cesse amenĂ©s Ă nĂ©gliger » des Ă©lĂ©ments de niveau infĂ©rieur. On peut se dire que ce nâest pas grave puisque cela nâentraĂźne pas dâerreurs trop importantes sur le plan pratique. On appelle cela le pragmatisme. Malheureusement, en sciences comme dans dâautres domaines, cette philosophie prĂ©tendument plus terre Ă terre et donc plus proche de la rĂ©alitĂ©, ne lâest pas. En effet, le fait de nĂ©gliger » des Ă©lĂ©ments plus petits en temps plus court ou plus rapides change complĂštement notre vision du monde et les lois Ă y appliquer. Ainsi, Ă notre Ă©chelle, le courant dâeau qui sort du robinet apparaĂźt comme un continuum. On parvient trĂšs bien Ă sâen sortir en raisonnant ainsi et en comparant ce flot par volumes dâeau, comme si ce liquide Ă©tait continu et divisible Ă volontĂ©. La molĂ©cule dâeau est suffisamment petite, et il y a un si grand nombre de molĂ©cules dans tout volume dâeau que nous considĂ©rons, que la continuitĂ© de ce courant de liquide suffit Ă effectuer des calculs et des raisonnements Ă notre Ă©chelle. Et pourtant, nous avons maintenant que lâeau du robinet, comme toute matiĂšre, ne peut exister que molĂ©cule par molĂ©cule, de maniĂšre tout Ă fait discontinue. En raisonnant avec des volumes dâeau, on ne fait pourtant le plus souvent aucune erreur de raisonnement ni de calcul et pourtant lâimage que nous utilisons est complĂštement fausse et mĂȘme contraire Ă la rĂ©alitĂ© molĂ©culaire de la matiĂšre. Dans la rĂ©alitĂ©, ces volumes dâeau que nous utilisons dans les calculs existent-ils vraiment ? Non ! En effet, la notion de volume de lâeau comme dâautres matiĂšres nâa pas vraiment de sens car lâeau nâoccupe pas de tels volumes. En effet, la molĂ©cule dâeau comme les autres molĂ©cules, loin dâoccuper tout un volume laisse des grands vides entre deux molĂ©cules et dâautres grands vides au sein de la molĂ©cule. Donc un volume dâeau est dâabord un volume de vide ! Cependant le calcul de la quantitĂ© dâeau par volumes fonctionne parfaitement Ă notre Ă©chelle dâexpĂ©rience, dâobservation et de mesure. Il ne suffit pas de dire que du volume Ă la molĂ©cule, on a une autre vision qui gagne en prĂ©cision. En effet, en passant dâune vision Ă lâautre, on change complĂštement dâimage, de raisonnements, de lois et de conception, pour ne pas dire de philosophie. On passe dâune matiĂšre considĂ©rĂ©e comme continue, divisible par exemple Ă lâinfini, Ă une matiĂšre discontinue et mĂȘme discrĂšte, avec une quantitĂ© minimale de base, la molĂ©cule dâeau dont toute quantitĂ© dâeau ne peut quâĂȘtre un multiple. Câest un changement radical et pas seulement une amĂ©lioration de la prĂ©cision de la description. Le petit nâest pas identique au grand, avec juste un changement dâĂ©chelle. La raison fondamentale du saut entre la petite Ă©chelle et la grande Ă©chelle provient du fait que le petit nâest seulement une brique Ă©lĂ©mentaire du grand, comme on le croyait autrefois selon une vision rĂ©ductionniste du monde qui lâimaginait comme un jeu de Lego. La grande Ă©chelle est un niveau Ă©mergent issu de la petite Ă©chelle, ce qui est trĂšs diffĂ©rent dâun jeu de construction. Emergent signifie que la matiĂšre a grande Ă©chelle nâest pas un objet qui existerait par lui-mĂȘme, serait toujours identique Ă lui-mĂȘme et obĂ©irait Ă une loi selon laquelle le tout est la somme des parties ». Quiconque a vu un vase se rompre peut ĂȘtre parfaitement persuadĂ© que le tout est la somme des parties et que si on divisait ce vase en parties encore plus Ă©lĂ©mentaires, en particules par exemple, il en serait de mĂȘme. Et câest cela qui sâest rĂ©vĂ©lĂ© complĂštement faux. Cela marche assez bien Ă notre Ă©chelle, dans les phĂ©nomĂšnes les plus courants de matiĂšre Ă notre Ă©chelle. Cela ne marche plus du tout dĂšs quâon approche de lâĂ©chelle quantique. Quiconque examine de la matiĂšre Ă notre Ă©chelle, par exemple cette table, est persuadĂ© quâelle est toujours identique Ă elle-mĂȘme et quâil ne lui arrive rien si on nây touche pas. Il peut croire que câest toujours la mĂȘme matiĂšre et donc quâelle doit sans doute toujours ĂȘtre constituĂ©e des mĂȘmes particules mais cela est faux. Car les particules Ă©lĂ©mentaires ne sont pas assimilables Ă des objets fixes, pas plus quâaucune matiĂšre Ă lâĂ©chelle quantique. LâĂ©tude de toute matiĂšre Ă lâĂ©chelle quantique donne une rĂ©ponse fondamentalement opposĂ©e Ă de telles assertions. La matiĂšre change sans cesse Ă petite Ă©chelle au point que lâon ne peut pas suivre le mĂȘme Ă©lectron » ni le mĂȘme proton » comme on peut suivre dans le temps la mĂȘme table » ou le mĂȘme vase ». On ne peut dâailleurs pas distinguer deux particules du mĂȘme type, comme deux Ă©lectrons ou deux protons, si elles sont dans une zone proche. Dans le vide quantique, on ne peut mĂȘme pas distinguer une particule de matiĂšre du vide qui lâentoure au plus prĂšs. En effet, particules de matiĂšre et particules du vide toutes proches Ă©changent sans cesse leur rĂŽle, la matiĂšre devenant du vide et inversement. Quelle image de la matiĂšre dit vrai et quelle image est une erreur ? Celle Ă notre Ă©chelle ? Celle Ă lâĂ©chelle des Ă©toiles, des galaxies, des amas de galaxies, des superamas ? Celle Ă lâĂ©chelle des quanta de matiĂšre par exemple des particules dites Ă©lĂ©mentaires ? Celle Ă lâĂ©chelle dite virtuelle du vide quantique ? Celle Ă lâĂ©chelle dite virtuel de virtuel qui fonde le vide quantique ? On ne saurait rĂ©pondre par vrai ou faux aux questions les plus fondamentales des sciences lâatome existe-t-il ? lâĂ©ther existe-t-il ? le temps existe-t-il ? la force en physique existe-t-elle ? la matiĂšre est faite dâondes ? la lumiĂšre est faite dâondes ? la matiĂšre est faite dâobjets ? La raison nâen est pas notre ignorance mais le manque de validitĂ© scientifique de toute philosophie du vrai ou faux ». Il nây a pas dâun cĂŽtĂ© une vĂ©ritĂ© et de lâautre un mensonge. Il y a une diffĂ©rence de point de vue qui est rendue possible par le caractĂšre intrinsĂšquement contradictoire de la rĂ©alitĂ©. Ce sont ces contradictions rĂ©elles qui permettent des visions diverses. Ainsi, un mammifĂšre qui se dĂ©place sur terre a une certaine vision des forces qui sâexercent sur son corps et de la maniĂšre de les combattre pour se dĂ©placer sur terre. Un insecte ou tout animal trĂšs petit aura une toute autre vision de ces forces et, pour lui, la tension superficielle de lâeau aura une bien plus grande importance que la gravitation. Nous ne cherchons pas ainsi Ă relativiser ce que nous dit la matiĂšre. Nous cherchons Ă souligner que les points de vue coexistent parce que la matiĂšre contient les deux termes de la contradiction. Nous nâavons pas Ă choisir entre la matiĂšre-onde et la matiĂšre-corpuscule, entre la matiĂšre dire virtuelle du vide et la matiĂšre dite rĂ©elle, entre la matiĂšre-Ă©nergie, se dĂ©plaçant Ă la vitesse de la lumiĂšre, et la matiĂšre de masse inerte, se dĂ©plaçant Ă vitesse limitĂ©e. En effet, les uns et les autres coexistent au point de pouvoir sâĂ©changer, se combiner, se transformer, etc⊠Il ne sâagit donc nullement dâen tirer une leçon en termes de relativisme, ni de pragmatisme, ni de scepticisme mais de conception dialectique du rĂ©el, ce qui est bien diffĂ©rent. Les niveaux hiĂ©rarchiques coexistent de maniĂšre dialectique contradictoires et combinĂ©s. Ondes et corpuscules, quantique et relativitĂ©, mascroscopique et microscopique sâopposent et se composent⊠La progression des idĂ©es scientifiques est tout aussi dialectique. Lâhistoire des sciences est pleine de va et vient entre des idĂ©es considĂ©rĂ©es comme vraies et des idĂ©es considĂ©rĂ©es comme fausses. Par exemple, on a longtemps cru que la principale erreur de Newton rĂ©sidait dans sa conception de la lumiĂšre fondĂ©e sur des corpuscules discontinuitĂ© alors que, durant de longues annĂ©es, la science de la lumiĂšre a pu progresser considĂ©rablement en se fondant sur la continuitĂ© des ondes. La physique quantique, dĂ©veloppĂ©e Ă partir de lâeffet photoĂ©lectrique dâEinstein, a donnĂ© le coup de grĂące Ă cette idĂ©e continue de la lumiĂšre. Peu aprĂšs, la physique quantique donnait aussi le coup de grĂące Ă lâidĂ©e inverse selon laquelle la matiĂšre ne connaissait pas de lois continues du type ondes », avec la dĂ©couverte de Louis de Broglie des ondes de matiĂšre⊠Lâopposition diamĂ©trale des ondes et des corpuscules avait vĂ©cu. Et dâautres oppositions diamĂ©trales allaient suivre, toujours grĂące Ă la physique quantique, dont lâopposition entre matiĂšre et lumiĂšre, lâopposition entre matiĂšre et vide. La relativitĂ© allait dĂ©truire aussi lâopposition diamĂ©trale entre matiĂšre et lumiĂšre, entre passĂ© et futur, entre matiĂšre et Ă©nergie⊠La vĂ©ritĂ© et lâerreur, peut-on dĂ©crire ainsi les dĂ©veloppements de la science ? La physique de Newton est-elle une erreur » par rapport Ă la physique de la relativitĂ© dâEinstein ? La relativitĂ© restreinte est-elle une erreur » par rapport Ă la relativitĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e ? Les diffĂ©rents niveaux de la physique quantique sont-ils des vĂ©ritĂ©s ou des erreurs les uns par rapport aux autres ? Qui reprocherait, par exemple, Ă Bohr ou Ă Rutherford leur image de lâatome dite planĂ©taire, aujourdâhui abandonnĂ©e, dans lequel on considĂ©rait que les Ă©lectrons tournaient autour du noyau atomique Ă la maniĂšre de planĂštes tournant autour du soleil. On sait aujourdâhui que cette image est fausse et rendrait impossible la stabilitĂ© de la matiĂšre, des Ă©lectrons tournant perdraient trĂšs rapidement leur Ă©nergie et tomberaient sur le noyau. Cela nâa pas empĂȘchĂ© cette image dâĂȘtre encore souvent prĂ©sentĂ©e et dâavoir permis de raisonner sur des niveaux de couches de lâatomes et dâinterprĂ©ter du coup les Ă©missions et absorptions de photons comme des sauts dâĂ©lectrons dâune couche Ă une autre de lâatome, idĂ©e qui allait fonder la physique quantique. Câest loin dâĂȘtre un cas exceptionnel. Les exemples oĂč une erreur a Ă©tĂ© Ă la base dâun progrĂšs fondamental sont lĂ©gion, dans le passĂ© lointain de la science comme Ă lâĂ©poque moderne, de lâidĂ©ologie chinoise dâun monde fondĂ© sur une boule dans un cube qui a donnĂ© naissance Ă la notion des trois dimensions Ă lâalchimie qui a conduit Ă la chimie et qui a Ă©tĂ© finalement vĂ©rifiĂ©e par la transmutation nuclĂ©aire des atomes. On peut citer Ă lâĂ©poque moderne lâerreur du grand physicien Fermi, pour laquelle il a obtenu le prix Nobel. Fermi a en effet cru produire deux nouveaux Ă©lĂ©ments, dont les numĂ©ros dâordre sont 93 et 94, Ă©lĂ©ments auxquels il a donnĂ© le nom dâausĂ©nium et dâhespĂ©rium", expliquait ainsi lâacadĂ©mie des Nobel pour justifier son choix. ProblĂšme ces Ă©lĂ©ments nâont jamais existĂ© dans lâexpĂ©rience du chercheur, Fermi sâĂ©tant trompĂ© dans son interprĂ©tation. Ce qui ne lâempĂȘchera pas de recevoir le prix Nobel de physique le 12 dĂ©cembre 1938, pour son expĂ©rience menĂ©e en 1934. Quatre annĂ©es sans contradiction scientifique auront suffi pour faire dâune hypothĂšse fausse une "dĂ©couverte scientifique". Il faudra attendre le tout dĂ©but de lâannĂ©e 1939, lorsque deux chercheurs allemands reproduisent lâexpĂ©rience dâEnrico Fermi, pour faire la lumiĂšre sur son travail. Et sâapercevoir que sâil avait bien commis une erreur concernant "lâausĂ©nium" et "lâhespĂ©rium", le chercheur italien avait en revanche fait une dĂ©couverte bien plus importante sans le savoir son expĂ©rience est tout simplement Ă lâorigine de la dĂ©couverte de la fission nuclĂ©aire⊠Une erreur trĂšs productive ! Dans La Recherche, Une vision corrosive du progrĂšs scientifique » Dans La Structure des rĂ©volutions scientifiques, Kuhn conclut ainsi - Ă titre provisoire, il est vrai " Pour ĂȘtre plus prĂ©cis, il se peut que nous soyons amenĂ©s Ă abandonner lâidĂ©e que les changements de paradigme rapprochent sans cesse les scientifiques et ceux qui les suivent de la vĂ©ritĂ©. "⊠Si Kuhn admet que le progrĂšs puisse exister dans les sciences, il dĂ©nie que ce progrĂšs tende vers aucun but, quel quâil soit. Il emploie frĂ©quemment la mĂ©taphore de lâĂ©volution biologique dâaprĂšs lui, le progrĂšs scientifique ressemblerait Ă lâĂ©volution telle que la concevait Darwin, câest-Ă -dire Ă un processus non dirigĂ© vers un but quelconque. DâaprĂšs lui, la nĂ©cessitĂ© de rĂ©soudre les problĂšmes scientifiques constitue le moteur de la sĂ©lection naturelle des thĂ©ories. Dans une pĂ©riode de science normale, finissent par surgir des problĂšmes insolubles dans le cadre des thĂ©ories existantes. DâoĂč une prolifĂ©ration dâidĂ©es nouvelles ; parmi elles, les mieux adaptĂ©es Ă la rĂ©solution de ces problĂšmes survivent. Certes, Kuhn reconnaĂźt que les thĂ©ories de Maxwell ou dâEinstein sont meilleures que celles qui les prĂ©cĂ©daient, tout comme les mammifĂšres se sont rĂ©vĂ©lĂ©s plus douĂ©s que les dinosaures pour survivre aux effets des impacts de comĂštes. Mais lâapparition future de nouveaux problĂšmes les verra remplacĂ©es par de nouvelles thĂ©ories, plus adaptĂ©es Ă la rĂ©solution de ces problĂšmes, et ainsi de suite, sans quâil sâen dĂ©gage aucune amĂ©lioration dâensemble⊠Il est Ă©galement vrai que les scientifiques immergĂ©s dans une pĂ©riode de science normale Ă©prouvent les plus grandes difficultĂ©s Ă comprendre les travaux produits par leurs prĂ©dĂ©cesseurs au cours des rĂ©volutions scientifiques prĂ©cĂ©dentes. Nous sommes le plus souvent incapables de ressentir a posteriori la rupture conceptuelle produite pendant une rĂ©volution. Par exemple, un physicien dâaujourdâhui a bien du mal Ă lire les Principia de Newton, mĂȘme dans une traduction moderne du latin. Il a ainsi fallu des annĂ©es au grand astrophysicien Subrahmanyan Chandrasekhar pour transposer le raisonnement des Principia sous une forme accessible Ă un physicien actuel. De fait, les participants dâune rĂ©volution scientifique vivent quasiment dans deux mondes diffĂ©rents ils appartiennent Ă la fois Ă la pĂ©riode antĂ©rieure de science normale, en voie dâeffondrement, et Ă la nouvelle, quâils ne comprennent pas encore complĂštement. VoilĂ pourquoi il est beaucoup moins difficile, pour des scientifiques travaillant dans une pĂ©riode de science normale, de comprendre les thĂ©ories dâun paradigme antĂ©rieur sous leur forme achevĂ©e, parvenue Ă maturité⊠On peut en dire autant de notre conception de lâĂ©lectrodynamique de James Clerk Maxwell. Le TraitĂ© sur lâĂ©lectricitĂ© et le magnĂ©tisme publiĂ© en 1873 par Maxwell est lui aussi dâaccĂšs difficile pour un physicien moderne. Il repose en effet sur lâidĂ©e que les champs Ă©lectriques et magnĂ©tiques expriment des tensions dans un corps, lâĂ©ther, Ă lâexistence duquel nous ne croyons plus aujourdâhui. De ce point de vue, Maxwell est lui aussi prĂ©maxwellien. Oliver Heaviside, qui donna Ă la thĂ©orie de Maxwell sa formalisation moderne, disait que Maxwell nâĂ©tait quâĂ moitiĂ© maxwellien. La thĂ©orie maxwellienne - câest-Ă -dire la thĂ©orie de lâĂ©lectricitĂ©, du magnĂ©tisme et de la lumiĂšre fondĂ©e sur les travaux de Maxwell - nâatteignit sa forme achevĂ©e dĂ©barrassĂ©e de sa rĂ©fĂ©rence Ă lâĂ©ther quâen 1900, et câest cette derniĂšre que nous enseignons Ă nos Ă©tudiants. Ils suivent ensuite des cours de mĂ©canique quantique, oĂč ils apprennent que la lumiĂšre est constituĂ©e de particules appelĂ©es photons et que les Ă©quations de Maxwell ne sont que des approximations. Mais cela ne les empĂȘche nullement de continuer Ă comprendre lâĂ©lectrodynamique maxwellienne et Ă y recourir en cas de besoin. En rĂ©sumĂ©, câest lâĂ©valuation des thĂ©ories une fois parvenues Ă maturitĂ©, et non au moment de leur naissance, qui permet de dĂ©finir ce quâest le progrĂšs scientifique⊠Naturellement, Kuhn sait que les physiciens actuels utilisent la thĂ©orie newtonienne de la gravitation ou la thĂ©orie maxwellienne de lâĂ©lectricitĂ© et du magnĂ©tisme comme de bonnes approximations, dĂ©ductibles de thĂ©ories plus exactes. Mais nous ne les considĂ©rons certainement pas comme purement et simplement fausses, dans le sens oĂč sont fausses la thĂ©orie du mouvement dâAristote et sa conception du feu comme un Ă©lĂ©ment le phlogistique. Dans son livre sur la rĂ©volution copernicienne, Kuhn lui-mĂȘme dĂ©crit, sans en paraĂźtre embarrassĂ©, comment certains Ă©lĂ©ments constitutifs des thĂ©ories scientifiques survivent dans celles qui les supplantent⊠si notre thĂ©orie actuelle des particules Ă©lĂ©mentaires le " modĂšle standard " a enregistrĂ© des succĂšs stupĂ©fiants, les physiciens contemporains ne sont pas fermement attachĂ©s Ă la vision de la nature sur laquelle elle repose. Le modĂšle standard est une thĂ©orie des champs, en ceci quâil considĂšre les constituants Ă©lĂ©mentaires de la nature comme des champs - câest-Ă -dire des conditions dâun espace, en dehors de toute considĂ©ration sur la matiĂšre quâil contient -, plutĂŽt que comme des particules. Ces vingt derniĂšres annĂ©es, on sâest aperçu que toute thĂ©orie fondĂ©e sur la mĂ©canique quantique et la relativitĂ© prend lâaspect dâune thĂ©orie des champs lorsque les expĂ©riences sont rĂ©alisĂ©es Ă des Ă©nergies suffisamment basses. Et la plupart des physiciens considĂšrent aujourdâhui le modĂšle standard comme une " thĂ©orie des champs effective ", fournissant Ă basse Ă©nergie une approximation dâune thĂ©orie fondamentale encore inconnue, qui ne fait peut-ĂȘtre aucunement appel Ă des champs. Si ce modĂšle standard constitue le paradigme de la science normale actuelle, il comporte plusieurs Ă©lĂ©ments ad hoc , dont au moins dix-huit constantes numĂ©riques, telles la masse et la charge de lâĂ©lectron, quâil a fallu ajuster arbitrairement pour faire coller la thĂ©orie aux expĂ©riences. Et, de plus, le modĂšle standard nâincorpore pas la gravitation. Les thĂ©oriciens savent donc quâil leur faut dĂ©couvrir une thĂ©orie plus satisfaisante, dont le modĂšle standard actuel ne deviendra quâune bonne approximation. De leur cĂŽtĂ©, les expĂ©rimentateurs travaillent dâarrache-pied Ă dĂ©couvrir des donnĂ©es qui entreraient en contradiction avec les prĂ©dictions du modĂšle standard. On a par exemple rĂ©cemment annoncĂ© les rĂ©sultats dâune expĂ©rience souterraine effectuĂ©e au Japon les particules appelĂ©es neutrinos possĂ©deraient des masses, dont la version originale du modĂšle standard nĂ©glige de tenir compteI. Or, si lâon a entamĂ© la recherche de ces masses il y a dĂ©jĂ de nombreuses annĂ©es, câest entre autres Ă partir de ce soupçon quelle que soit la future thĂ©orie appelĂ©e Ă dĂ©passer notre modĂšle standard actuel, elle a de bonnes chances dâimpliquer lâexistence de faibles masses pour les neutrinos. Pierre BarthĂ©lemy Le Nobel de Physique rĂ©compensait une incroyable erreur⊠» En 1938, câest lâimmense chercheur italien Enrico Fermi qui reçoit la distinction suprĂȘme pour, je cite, "sa dĂ©couverte de nouveaux Ă©lĂ©ments radioactifs, dĂ©veloppĂ©s par lâirradiation des neutrons, et sa dĂ©couverte Ă ce propos des rĂ©actions de noyaux, effectuĂ©es au moyen des neutrons lents". Le communiquĂ© explicite cette dĂ©couverte ainsi âFermi a en effet rĂ©ussi Ă produire deux nouveaux Ă©lĂ©ments, dont les numĂ©ros dâordre sont 93 et 94, Ă©lĂ©ments auxquels il a donnĂ© le nom dâausĂ©nium et dâhespĂ©rium.â Seulement voilĂ , dâausĂ©nium et dâhespĂ©rium il nây avait en rĂ©alitĂ© point dans lâexpĂ©rience du savant transalpin. Fermi sâĂ©tait trompĂ© dans son interprĂ©tation et il avait nĂ©anmoins eu le prix Nobel pour la dĂ©couverte de deux Ă©lĂ©ments imaginaires... Pour comprendre cette erreur, il faut replonger dans les annĂ©es 1930, Ăšre des pionniers du noyau atomique. Lâhistoire illustre Ă merveille la maniĂšre dont la science se trompe, se corrige et, ce faisant, sâamĂ©liore. Que fait Enrico Fermi dans lâexpĂ©rience qui lui vaut ce Nobel, relatĂ©e en 1934 dans Nature ? A lâĂ©poque, on ne connaĂźt pas dâĂ©lĂ©ment chimique dont le noyau contienne davantage de protons que lâuranium 92 et le chercheur italien se demande sâil est possible de synthĂ©tiser des Ă©lĂ©ments plus lourds. Son idĂ©e est de profiter de la radioactivitĂ© bĂȘta quâil vient de modĂ©liser et grĂące Ă laquelle un neutron peut se transformer en proton ou le contraire. Pour son expĂ©rience, Fermi part de lâidĂ©e quâen bombardant de neutrons des noyaux dâuranium, ceux-ci vont finir par absorber un neutron qui, sous lâeffet la radioactivitĂ© bĂȘta, se transformera en proton. Le noyau aura finalement gagnĂ© un proton, ce qui aura "transmutĂ©" lâuranium Ă 92 protons en Ă©lĂ©ment nouveau Ă 93 protons que Fermi appellera ausĂ©nium. AprĂšs une nouvelle Ă©tape, celui-ci se mĂ©tamorphosera en Ă©lĂ©ment Ă 94 protons nommĂ© hespĂ©rium. La difficultĂ© de lâexpĂ©rience consiste Ă dĂ©tecter la prĂ©sence de ces nouveaux Ă©lĂ©ments. Fermi ne les identifie pas chimiquement il se contente de constater que lâexpĂ©rience produit deux "choses" radioactives dont les caractĂ©ristiques sont inconnues. Pour lui, câest la preuve, certes indirecte, mais la preuve quand mĂȘme, quâil a synthĂ©tisĂ© deux nouveaux Ă©lĂ©ments. Comme lâexplique Martin Quack, chercheur Ă lâEcole polytechnique fĂ©dĂ©rale de Zurich, dans lâarticle quâil a rĂ©cemment consacrĂ© Ă cette histoire publiĂ© par Angewandte Chemie International Edition, Enrico Fermi est au dĂ©part plutĂŽt prudent dans sa formulation. Mais les annĂ©es passant et rien ne venant contredire cette interprĂ©tation, cette prudence sâestompe et lâon considĂšre le rĂ©sultat comme acquis, dâautant que la stature scientifique de lâItalien est immense. La chimiste allemande Ida Noddack tente bien dâavancer que le niveau de preuve nâest pas suffisant, mais personne ne tient vraiment compte de ses objections. Un magnifique cas dâĂ©cole de lâaveuglement des experts. Tout se prĂ©cipite Ă la fin 1938, comme dans un thriller scientifique oĂč le temps se condense et sâaccĂ©lĂšre. Le 12 dĂ©cembre, Enrico Fermi reçoit Ă Stockholm son prix Nobel des mains du roi de SuĂšde. Il en profite pour fuir aux Etats-Unis, la situation de son Ă©pouse, qui est juive, Ă©tant de plus en plus prĂ©caire dans lâItalie mussolinienne. Une semaine plus tard, le 19, le chimiste allemand Otto Hahn, qui a, avec Fritz Strassmann, reproduit lâexpĂ©rience de Fermi, envoie ses rĂ©sultats Ă sa consĆur Lise Meitner les produits de lâexpĂ©rience ne sont pas des Ă©lĂ©ments superlourds. Au contraire, cela ressemble Ă des isotopes inconnus dâĂ©lĂ©ments plus lĂ©gers, notamment du baryum 56 protons. Mais comment diable de lâuranium peut-il donner du baryum ? Pendant les vacances de NoĂ«l, Lise Meitner discute avec son neveu, Otto Frisch de la possibilitĂ© thĂ©orique quâun noyau dâuranium se brise pour donner des noyaux plus lĂ©gers. Ils Ă©crivent un article en ce sens qui sera publiĂ© en fĂ©vrier 1939. Ce quâavait rĂ©alisĂ© Enrico Fermi sans le comprendre, câĂ©tait la premiĂšre expĂ©rience de fission nuclĂ©aire ! Le coupable Ă©tait dans lâuranium. Le minerai naturel dâuranium contient deux isotopes de cet Ă©lĂ©ment. Le premier, lâuranium 238 92 protons + 146 neutrons est de trĂšs loin le plus courant puisquâil reprĂ©sente plus de 99 % du minerai. Le second, lâuranium 235 92 protons + 143 neutrons est beaucoup plus rare 0,7 % au point quâon peut le considĂ©rer comme une impuretĂ©. Câest lui qui est fissile et que lâon emploie dans de nombreux rĂ©acteurs nuclĂ©aires. Et câest aussi lui qui se trouvait dans la bombe atomique dâHiroshima. Dans lâexpĂ©rience de Fermi, le bombardement de neutrons nâa, contrairement Ă ce quâespĂ©rait le savant italien, rien fait aux atomes dâuranium 238. En revanche, il a provoquĂ© la fission des noyaux dâuranium 235. Les produits nouveaux quâa dĂ©tectĂ©s lâItalien Ă©taient des produits de fission, des Ă©lĂ©ments plus lĂ©gers, inconnus sous cette forme radioactive, comme le baryum 140. Enrico Fermi mĂ©ritait sans doute un Nobel et il est dommage quâil lâait reçu pour une expĂ©rience mal interprĂ©tĂ©e et pas assez approfondie. DĂšs quâil apprit la dĂ©couverte de Hahn et Strassmann, dĂ©but 1939, il modifia son discours de rĂ©ception du prix pour intĂ©grer ce nouveau rĂ©sultat, preuve dâune grande honnĂȘtetĂ© intellectuelle. Les deux chercheurs allemands reçurent le Nobel de chimie 1944 pour la fission nuclĂ©aire Lise Meitner Ă©tant scandaleusement oubliĂ©e dans lâhistoire et, dâune certaine maniĂšre, pour avoir corrigĂ© lâerreur de Fermi. Ce dernier rĂ©alisa, en collaboration avec Leo Szilard, la premiĂšre pile atomique en 1942, câest-Ă -dire la premiĂšre rĂ©action nuclĂ©aire en chaĂźne contrĂŽlĂ©e de lâhistoire. Et, bien sĂ»r, Fermi travailla pour le projet Manhattan qui mena Ă la bombe atomique. Quant aux Ă©lĂ©ments 93 et 94, le neptunium et le plutonium, ils furent bel et bien produits selon le processus quâavait prĂ©vu Fermi. En 1951, on donna donc de nouveau un prix Nobel de chimie Ă ceux qui les avaient mis en Ă©vidence, mais cette fois-ci pour de vrai Glenn Seaborg et Edwin McMillan. Trois-quarts de siĂšcle aprĂšs le Nobel de lâerreur, lâhistoire vient rappeler que la science a deux versants insĂ©parables, le cĂŽtĂ© crĂ©atif et le cĂŽtĂ© critique. Comme le souligne Martin Quack dans son article, "la composante crĂ©ative sâengage dans de nouvelles idĂ©es et dans des avenues inexplorĂ©es .... Elle se vend bien grĂące au terme chic de "nouveau". Cependant, la composante critique est tout aussi importante que la composante crĂ©ative. Elle interroge le rĂ©sultat "nouveau", soumettant ses faiblesses Ă une critique sĂ©vĂšre, rĂ©pĂ©tant et testant les rĂ©sultats dans de longues enquĂȘtes impliquant un dur labeur. Souvent elle rejette ou corrige le rĂ©sultat original et mĂšne parfois Ă une dĂ©couverte encore plus frappante." VĂ©rifier les rĂ©sultats des autres a des airs austĂšres et tristes de police scientifique mais conduit parfois Ă la rĂ©volution. Martin Andler La science au risque de lâerreur » Henri PoincarĂ© et le problĂšme Ă trois corps Quand, en mai 1885, le mathĂ©maticien Gösta Mittag-Leffler 1846-1927 annonce quâun prix en lâhonneur dâOscar II, roi de SuĂšde et de NorvĂšge, Ă lâoccasion de son soixantiĂšme anniversaire, serait dĂ©cernĂ© en 1888 Ă lâauteur dâun article original de mathĂ©matiques, son opĂ©ration de promotion des mathĂ©matiques est bien organisĂ©e. DĂ©jĂ , ce talentueux professeur Ă lâuniversitĂ© de Stockholm, mathĂ©maticien reconnu un peu partout en Europe, notamment en Allemagne oĂč il a fait ses Ă©tudes, et en France oĂč il vient rĂ©guliĂšrement, est parvenu, grĂące au soutien du roi, Ă lancer une revue mathĂ©matique prestigieuse, Acta Mittag-Leffler a rĂ©uni un jury prestigieux, comprenant, outre lui-mĂȘme, deux trĂšs grands mathĂ©maticiens, certes en fin de carriĂšre, mais qui assurent une grande publicitĂ© au prix, lâAllemand Karl Weierstrass 1815-1898 et le Français Charles Hermite 1822-1901. Il est clair que Mittag-Leffler a, dâemblĂ©e, un candidat pour le prix son ami, le jeune mais dĂ©jĂ cĂ©lĂšbre mathĂ©maticien français Henri PoincarĂ© 1854-1912. Et en effet, le jury dĂ©cide de lui attribuer le prix de deux mille cinq cents couronnes lâannonce en est faite le 20 janvier 1889, jour de lâanniversaire dâOscar II. Le texte de PoincarĂ© est envoyĂ© Ă lâimprimeur ; Mittag Leffler est assistĂ©, pour Acta Mathematica, par un secrĂ©taire de rĂ©daction qui est un jeune Ă©tudiant prometteur de vingt-six ans, Lars Phragmen. En relisant les Ă©preuves, Phragmen dĂ©couvre une erreur ! On notera Ă ce propos que lâĂ©tudiant nâa, en fin de compte, pas hĂ©sitĂ© Ă mettre en question lâautoritĂ© du professeur en sciences, les arguments dâautoritĂ© sont hors de propos. La suite est rocambolesque, car le mĂ©moire a dĂ©jĂ Ă©tĂ© imprimĂ© et quelques exemplaires ont circulĂ©. PoincarĂ© doit rembourser les frais dâimpression pour un montant supĂ©rieur au prix reçu, et de son cĂŽtĂ©, Mittag-Leffler doit retrouver la trace de tous les exemplaires contenant la dĂ©monstration fausse et les rĂ©cupĂ©rer. Mais surtout il faut corriger lâerreur, ce que PoincarĂ© parvient Ă faire en quelques mois dâeffort acharnĂ©, en avril 1890 ; câest lĂ que la science reprend le dessus sur lâanecdote. Pour en situer lâenjeu, nous devons entrer dans les mathĂ©matiques elles-mĂȘmes. Le mĂ©moire de PoincarĂ© portait sur le problĂšme Ă trois corps » ; il sâagissait de comprendre les mouvements relatifs de trois astres trois corps, typiquement une Ă©toile et deux planĂštes, ou une Ă©toile, une planĂšte et une lune. Ces trois astres sâattirent mutuellement selon la loi de lâattraction universelle de Newton. Sâil nây a que deux astres, le mouvement est simple Ă dĂ©crire, les lois de Kepler sâappliquent les trajectoires des deux astres sont elliptiques autour dâun foyer, centre de gravitĂ© de lâensemble. Newton lui-mĂȘme en a fait le calcul Ă partir de ses lois. Si lâon nĂ©glige lâaction mutuelle des deux petits astres, lĂ encore le calcul complet est possible, et on trouve Ă nouveau les orbites elliptiques. En premiĂšre approximation, il est lĂ©gitime de le faire lâattraction de VĂ©nus sur la Terre est de lâordre de deux millioniĂšmes de lâattraction du Soleil sur la Terre. Mais la thĂ©orie ne permet pas de dire si cette infime attraction ne va pas changer complĂštement lâĂ©volution du systĂšme Ă long terme. Car, contrairement au problĂšme Ă deux corps, on ne sait pas, Ă la fin du XIXe siĂšcle, rĂ©soudre les Ă©quations pour le problĂšme Ă trois corps ! Au dĂ©but du XXIe siĂšcle, on nâa toujours pas de rĂ©ponse complĂšte, mais les travaux de PoincarĂ© ont permis un saut dĂ©cisif dans la comprĂ©hension du problĂšme. Avant mĂȘme lâaffaire du prix, PoincarĂ© avait engagĂ© lâĂ©tude des Ă©quations du type de celles que lâon rencontre en mĂ©canique cĂ©leste, lors de lâĂ©tude du mouvement des astres par exemple, dans une voie tout Ă fait diffĂ©rente de ses prĂ©dĂ©cesseurs. Les mathĂ©maticiens du XIXe siĂšcle avaient consacrĂ© beaucoup dâĂ©nergie Ă rĂ©soudre complĂštement ces Ă©quations, appelĂ©es diffĂ©rentielles », dans de nombreux cas fort intĂ©ressants. Mais vers la fin du XIXe siĂšcle il devenait de plus en plus clair quâon ne pourrait jamais rĂ©soudre toutes ces Ă©quations. Ce que PoincarĂ© lança, câest ce que lâon appelle maintenant la thĂ©orie qualitative » des Ă©quations diffĂ©rentielles, qui permet de donner des rĂ©sultats prĂ©cis sur lâĂ©volution du systĂšme sans pour autant avoir calculĂ© prĂ©cisĂ©ment tous les dĂ©tails⊠Dans le mĂ©moire proposĂ© pour le prix, PoincarĂ© sâest intĂ©ressĂ© Ă un cas particulier du problĂšme Ă trois corps le problĂšme des trois corps rĂ©duit, correspondant Ă la situation Ă©toile/planĂšte/satellite, oĂč âą 1° les trois corps restent dans un plan fixe ; âą 2° lâĂ©toile et la planĂšte dĂ©crivent des trajectoires circulaires coplanaires autour de leur centre de gravitĂ© commun ; âą 3° le satellite est supposĂ© de masse m nulle. Un exemple physique de cette situation Soleil /Terre /satellite artificiel. Pour formaliser la situation, il introduit un espace de dimension 4, lâespace des phases. Il Ă©tudie pour commencer une situation mathĂ©matique encore plus simple, oĂč lâon suppose que la planĂšte est elle aussi de masse p nulle. Dans cette situation trĂšs simplifiĂ©e, la planĂšte et le satellite tournent autour de lâĂ©toile, que lâon peut supposer fixe ; mais les pĂ©riodes de rĂ©volution sont en gĂ©nĂ©ral diffĂ©rentes, ce qui entraĂźne que les positions relatives de la planĂšte et du satellite apparaissent comme Ă©tant arbitraires. La deuxiĂšme Ă©tape de la dĂ©marche de PoincarĂ© consiste Ă voir comment la situation mathĂ©matique Ă©volue lorsquâon fait varier le rapport ” entre la masse p de la planĂšte et la masse e de lâĂ©toile de zĂ©ro Ă un nombre positif petit pour fixer les idĂ©es, le rapport des masses entre Terre et Soleil est de trois millioniĂšmes. Câest dans cette deuxiĂšme Ă©tape que PoincarĂ© commet une erreur sĂ©rieuse ; non seulement sa dĂ©monstration est fausse, mais le rĂ©sultat lâest Ă©galement. Comme le rĂ©sume F. BĂ©guin,9 ce rĂ©sultat affirme que les trajectoires qui ont un certain mouvement rĂ©gulier dans le passĂ©, mais dont le mouvement sâest ensuite dĂ©rĂ©glĂ©, finissent par ârentrer dans le droit cheminâ et retrouver leur mouvement rĂ©gulier initial. En fait, PoincarĂ© sera obligĂ© de constater, dans la version corrigĂ©e de son mĂ©moire, celle qui paraĂźtra dans Acta Mathematica en novembre 1890, que les situations dans les deux directions du temps sont diffĂ©rentes et que la situation est bien plus complexe. Câest de cette observation que lâon peut dater le dĂ©but de la thĂ©orie du chaos ». Si cette thĂ©orie du chaos est effectivement en germe dĂšs le mĂ©moire de 1890, elle ne se dĂ©veloppe vĂ©ritablement que bien plus tard. Le mot de chaos lui-mĂȘme nâest utilisĂ© dans les mathĂ©matiques et les sciences physiques quâĂ partir du milieu des annĂ©es 1970 ; il acquiert, Ă la fin des annĂ©es 1970 et dans les annĂ©es 1980, le statut de concept nomade » qui tend Ă obscurcir son importance ; fondamentalement, il permet en effet de rĂ©concilier dĂ©terminisme et imprĂ©dictibilitĂ©. Depuis la fameuse confĂ©rence du mĂ©tĂ©orologue Edward Lorenz en 1972 PrĂ©dictibilitĂ© le battement dâailes dâun papillon au BrĂ©sil peut-il provoquer une tornade au Texas ? », jusquâau personnage du roman 1990 et du film 1993 Jurassic Park, Ian Malcolm, spĂ©cialiste de la thĂ©orie du chaos, les exemples, du plus au moins sĂ©rieux, de lâintervention de ce nouveau concept abondent. Comme le montrent Aubin et Dahan,10 lâhistoire qui va de PoincarĂ© Ă la thĂ©orie du chaos est longue et complexe, mĂȘlant dĂ©veloppements conceptuel, politique et progrĂšs technique ; ce nâest pas le lieu dây entrer ici. Ce qui nous intĂ©resse est comprendre comment lâerreur peut survenir, pourquoi elle est intĂ©ressante et, Ă lâoccasion de cette analyse, dĂ©crire certains aspects du processus de mathĂ©matisation. Il sâagit donc dâun point de vue purement internaliste, appropriĂ© dans ce contexte. Analyser le mouvement des planĂštes par des Ă©quations dĂ©duites des lois de Newton nâest Ă©videmment pas, Ă la fin du XIXe siĂšcle, novateur. Lâinnovation de PoincarĂ©, dans ses travaux des annĂ©es 1880, consiste Ă regarder le problĂšme avec une vision gĂ©omĂ©trique trĂšs Ă©laborĂ©e. La formulation initiale fait apparaĂźtre trois points reprĂ©sentant les trois corps, qui se dĂ©placent dans un plan ; on est donc dans une gĂ©omĂ©trie de dimension 2. On peut tracer leurs trajectoires possibles, mais ces dessins nâapportent rapidement pas grand-chose. Ce que fait PoincarĂ©, dans ce problĂšme comme dans les autres du mĂȘme type, est dâintroduire un nouvel espace, qui nâest pas prĂ©sent dans notre perception initiale du problĂšme, mais le reprĂ©sente de maniĂšre efficace. Dans le cas du problĂšme Ă trois corps rĂ©duit, on peut supposer que lâĂ©toile est fixe, et que lâon dĂ©crit le satellite au moyen de ses coordonnĂ©es dans un repĂšre mobile centrĂ© sur lâĂ©toile et dont le premier axe suit la trajectoire de la planĂšte. Dans ce repĂšre, tout se passe comme si Ă©toile et soleil Ă©taient immobiles. LâĂ©tat du satellite est entiĂšrement dĂ©fini par sa position, naturellement, mais aussi par sa vitesse. Il faut donc quatre paramĂštres, deux pour la position, deux pour la vitesse, dâoĂč des considĂ©rations gĂ©omĂ©triques dans un espace de dimension 4. On appelle cet espace, espace des phases de lâĂ©quation. Il y a lĂ lâarchĂ©type du geste crĂ©ateur du mathĂ©maticien donner naissance Ă un espace oĂč les concepts mathĂ©matiques vont se dĂ©ployer, mais qui nâest pas prĂ©sent aprioridans la question choix de lâespace des phases est dans une certaine mesure arbitraire, seule compte sa commoditĂ© pour reprĂ©senter la situation. Le deuxiĂšme geste du mathĂ©maticien est de faire varier une quantitĂ© qui ne varie pas ; en lâoccurrence, câest la masse fixe de la planĂšte qui devient variable pour le mathĂ©maticien. Ici, la transgression est plus marquĂ©e, car le formalisme mathĂ©matique sâoppose Ă la rĂ©alitĂ© physique. En revanche, ce formalisme est dâune redoutable efficacitĂ©. Efficace, mais risquĂ©, puisque câest prĂ©cisĂ©ment lĂ que PoincarĂ© commet une erreur ! Ayant sous-estimĂ© la complexitĂ© de lâentrelacs entre les trajectoires, il a, trop rapidement, accordĂ© une rĂ©gularitĂ© trop forte Ă la dĂ©pendance mathĂ©matique du mouvement par rapport au paramĂštre ” techniquement, il a pensĂ© que cette dĂ©pendance Ă©tait analytique, alors quâelle nâĂ©tait quâinfiniment diffĂ©rentiable. Cette erreur rendait fausse sa conclusion.
la vraie science est une ignorance qui se sait