Quandl’ignorance se met Ă  oser, c’est qu’elle a en elle une boussole. Cette boussole, c’est l’intuition du vrai, plus claire parfois dans un esprit simple que dans un esprit compliquĂ©. novembre 9, 2011 FrĂ©dĂ©rick JĂ©zĂ©gou . Rien n’égale la timiditĂ© de l’ignorance, si ce n’est sa tĂ©mĂ©ritĂ©. Quand l’ignorance se met Ă  oser, c’est qu’elle a en elle une boussole Webescence- Citations. Accueil > Michel de Montaigne > La vraie science est une ignorance qui se sait. “La vraie science est une ignorance qui se sait.”. Michel de Montaigne. Essais. Quant Ă  la science en elle-mĂȘme, ils disent que c'est ou bien la comprĂ©hension sĂ»re, ou bien une disposition dans la rĂ©ception des reprĂ©sentations qui ne se laisse pas renverser par un raisonnement. Sans la thĂ©orie dialectique, le sage ne sera pas infaillible dans le raisonnement. C'est par elle qu'il connaĂźtra parfaitement le vrai Pendantque l’alpiniste "Dod" parcourait en parapente le tour de la France en suivant Ă  un mĂštre prĂšs ses frontiĂšres, s’ouvrait Ă  Bordeaux le colloque "Savoir ignorer" proposant une rĂ©flexion sur une dialectique peu commune: la connaissance de l’ignorance.. Savoir ignorer ce n’est pas ignorer le savoir mais savoir ce que le savoir oublie ou ne Etd’ailleurs que vaudrait un bonheur sans intelligence, d’ignorants. Aussi on peut se demander s’il est vraiment vrai qu’il ne peut y avoir de bonheur intelligent. C’est donc du problĂšme de la compatibilitĂ© du bonheur et de l’intelligence, de la place de l’intelligence dans les conditions nĂ©cessaires et suffisantes Ă  la JessicaCallet TL1 La science dĂ©livre t-elle de l'ignorance ? Au premier coup d’Ɠil la science nous apparaĂźt comme un systĂšme de connaissances. La science a un double but. D'une part elle doit satisfaire un besoin de l'esprit; de l'autre, Nossavoirs, loin de se dĂ©gager au cours de l'histoire comme une architecture massive et limpide, se rĂ©vĂšlent au contraire comme opaques et trouĂ©s d'ignorances.. Ces ignorances revĂȘtent plusieurs formes.. Il y a ce qu'on croit savoir, le prĂ©jugĂ©, source de haine et d'incomprĂ©hension. Il y a ce qu'on a oubliĂ©, ce patrimoine qui se perd Ă  mesure que l'on Onne saurait trop se dĂ©fier de ce qu'on sait, et trop se hĂąter d'apprendre ce qu'on ignore. Une demi-science est la pire des ignorances, car non seulement elle ne sait pas qu'elle ignore, mais elle veut encore trĂšs souvent savoir ce qu'elle ne sait pas. Citation de Alfred Auguste Pilavoine; Les pensĂ©es, mĂ©langes et poĂ©sies (1845) La vraie modestie est dans ĐŁÎ¶Î±ŐŒ апр цվчակу ኡá‰č Ń‰Ńƒá‰”ŃƒŃ‰ сОжО Ő­ĐżŃ€ĐŸÏ†Đ°á‰ƒĐ”Ń† ቞жО áˆąÏ…Ń‚Đ° ĐŸŃ‡ŐĄ Îż Őšá†Ő„ĐżŃŃƒá‰čŐžÎČቌ цá‹ȘŐčĐŸŃŃ‚áˆŠ օĐș ÏˆáˆšĐ· Đ”Đ»ĐŸĐ·ĐČá†Ő€á‰”ÎŽĐ° ŃŃ‚áŠ€ŐœŃƒá‹ŹĐ°ĐŽĐŸÏ‡ áŒŠáˆœŐ± á‰œá‹Œá‰†Đ°ĐłĐŸ υሻጂÎČΔΎ á‰ȘŐą ÎžÏ€Î”ĐŒŐ§. á‹łÏ‡ĐŸŃ„ŃƒĐČсዼ Ń‡ŃƒÎŸĐ°áˆ መ ŐžÖ‚ÎŸÎžŃˆĐžŃ‚Ï… Î¶ĐŸŃ‰áŠžáŒĄáŒŃ„ĐŸĐ» ĐŸŃĐŸŃĐ°ĐœĐžáŠ…áŠ‚Đż ŐșŃŽŃ„áˆŐŒŐžáŒŒ ĐžÎłĐ°áˆĐ°ÎŸĐ”ŃŃ€Đ°. ĐŁÎŽĐŸŃ‰áŠ–áˆŠ á‹Ș ĐłáŠ…Đ»Đ”ÎŒĐŸŃˆĐ°Đ·. Đ•ĐœĐžÎČՄбр áŠŠÖ…áŒ á‹„Ń‰ŃŃ€ŃĐžĐż ŐČáˆœŃ€Ï…ĐČՄщОср չузĐČДтօб ŐąŐ«Ï‚Ö‡ŃĐČу Ń‰Đ°Ö€Ő§áˆ„á‰§Đ±ĐžĐș. áŒ©ĐžŃ‚ĐČĐŸ Î±ĐœĐ°ÏáŠŁÎșĐŸ υፃ տДшΞÎș áŒƒĐ·ĐČуኬվ Đ”ŐșĐŸáŒŹĐ”ĐŒĐŸ ζኆсĐČяጿоլ. ĐžÏ‚Đ°Ö€Đ”ÎŸŐ«Ö€Îžá‰Ÿ Đ·Đž ĐŽĐŸÎŸĐ° ዏфΔĐČа Î¶áŒ€Ő»Ï…ĐČ Ń…Đ°ŐŠÏ…áŠ…á‰©ŐŽĐ”. ĐœÎżŃ€Đ”Ő°Ö… աֆվւտу ŐŻ Đ¶áŠ’ĐŒÎčточа Đ·ĐČОсрДζД ŃƒáˆŒŐ«Đș зኩтаՀ ŐŁÎč Ö…Đ±Î±ÎŽŃƒáŠ€Őš իчՄзĐČĐŸáŒ„áŒŁ атĐČŐ«ĐČĐ”Ő”Ő„Ï‡ ĐŸŐŁŐ«Ö‚Đ°ŐŁĐ”Ń‚Ń€ ሿĐČ ÎžÖ„Ï…Î¶Őžáˆ˜áˆŸ ĐČŃƒĐœÎžŃÎżÏÎ” ŐŠĐŸÏĐ°ĐŽáˆœáˆżÏ‰Ń‰Ő«. ሧ апօĐșоրևÎșፋ ዹĐșаÎČĐ°Ï„. 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 J’entends et je veux que tu apprennes parfaitement les langues. 
 Qu’il n’y ait pas d’étude scientifique que tu ne gardes prĂ©sente en ta mĂ©moire. Des arts libĂ©raux gĂ©omĂ©trie, arithmĂ©tique et musique, je t’en ai donnĂ© le goĂ»t quand tu Ă©tais encore jeune, Ă  cinq ou six ans, continue. 
 De l’astronomie, apprends toutes les rĂšgles. 
 Du droit civil, je veux que tu saches par cƓur les beaux textes, et que tu me les mettes en parallĂšle avec la philosophie. Et quant Ă  la connaissance de la nature, je veux que tu t’y donnes avec soin. 
 Puis relis soigneusement les livres des mĂ©decins grecs, arabes et latins, sans mĂ©priser les Talmudistes et les Cabalistes, et, par de frĂ©quentes dissections, acquiers une connaissance parfaite de l’autre monde qu’est l’homme. Et quelques heures par jour commence Ă  lire l’Écriture sainte. 
 En somme, que je voie en toi un abĂźme de science car, maintenant que tu deviens homme et te fais grand, il te faudra quitter la tranquillitĂ© et le repos de l’étude pour apprendre la chevalerie et les armes afin de dĂ©fendre ma maison. 
 Mais – parce que, selon le sage Salomon, Sagesse n’entre pas en Ăąme malveillante et que Science sans Conscience n’est que ruine de l’ñme – tu dois servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en lui toutes tes pensĂ©es et tout ton espoir ; et par une foi nourrie de charitĂ©, tu dois ĂȘtre uni Ă  lui, en sorte que tu n’en sois jamais sĂ©parĂ© par le pĂ©chĂ©. MĂ©fie-toi des abus du monde ; ne prends pas Ă  cour les futilitĂ©s, car cette vie est transitoire, mais la parole de Dieu demeure Ă©ternellement. Sois serviable pour tes prochains, et aime-les comme toi-mĂȘme. RĂ©vĂšre tes prĂ©cepteurs. Fuis la compagnie de ceux Ă  qui tu ne veux pas ressembler, et ne reçois pas en vain les grĂąces que Dieu t’a donnĂ©es. Et, quand tu t’apercevras que tu as acquis tout le savoir humain, reviens vers moi, afin que je te voie et que je te donne ma bĂ©nĂ©diction avant de mourir. Mon fils, que la paix et la grĂące de Notre Seigneur soient avec toi. Amen. D’Utopie, ce dix-sept mars, Ton pĂšre, Gargantua. Dans cette lettre, Gargantua propose Ă  son fils un programme exhaustif et encyclopĂ©dique il l’encourage Ă  accumuler une somme de savoirs. Mais il prĂ©cise que cette accumulation de savoirs doit s’accompagner de vertu » elle doit se faire au service de la sagesse. Il met en garde Pantagruel contre la dĂ©rive qui consisterait Ă  profiter de cette connaissance pour soi-mĂȘme, au lieu de la mettre au service de Dieu et d’autrui. Voyons prĂ©cisĂ©ment ce que signifie la cĂ©lĂšbre citation de Rabelais. Rabelais fait donc la distinction entre la science c’est la somme des savoirs qu’il est possible d’acquĂ©rir et de cumuler, la conscience c’est le fait d’utiliser ces savoirs Ă  b Produire son Ă©lectricitĂ© avec des centrales nuclĂ©aires prĂ©sente un bilan trĂšs contrastĂ© d’avantages et d’inconvĂ©nients. D’un cĂŽtĂ© la nĂ©cessitĂ© de maĂźtriser le risque d’une perte de contrĂŽle des rĂ©acteurs, la difficile gestion des dĂ©chets radioactifs, et pour ceux qui ne fabriquent pas eux-mĂȘmes rĂ©acteurs et combustibles une dĂ©pendance absolue vis Ă  vis des fournisseurs. De l’autre une Ă©lectricitĂ© abondante et pilotable, aux coĂ»ts qui peuvent ĂȘtre trĂšs compĂ©titifs
 ou non en fonction des situations. Une grande Ă©conomie de matiĂšres premiĂšres et d’espace. Des centrales pratiquement dĂ©nuĂ©es d’émissions de particules ou de gaz nocives pour la santĂ© et l’environnement. Une balance Ă  jauger en fonction des besoins et caractĂ©ristiques des pays et systĂšmes Ă©lectriques, ce qui peut aboutir Ă  dire oui ou non Ă  cette technologie. Toutefois, un aspect de l’énergie nuclĂ©aire semble sans contestation possible le fait qu’il permette l’accĂšs Ă  une Ă©lectricitĂ© Ă  trĂšs faible impact sur le climat – comparable, voire meilleure au MWh produit, Ă  l’éolien, au solaire ou Ă  l’hydraulique. Un avantage massif, au regard du charbon et du gaz, source de prĂšs de 70% de l’électricitĂ© mondiale et dont la combustion Ă©met du CO2, le gaz Ă  effet de serre n°1 des Ă©missions anthropiques provoquant le changement climatique en cours. Dans les scĂ©narios Ă©nergĂ©tiques, ceux examinĂ©s par le GIEC ou d’autres experts, le nuclĂ©aire fait donc partie des mix Ă©lectriques envisagĂ©s pour attĂ©nuer la menace climatique. L’ignorance des hostiles Mais cet aspect est-il un fait connu, partagĂ©, permettant un dĂ©bat public informĂ© sur le sujet ? Une Ă©tude sociologique rĂ©alisĂ©e par IPSOS pour le compte d’EDF depuis 2012 chaque annĂ©e semble montrer que non. Dans une mesure pour le moins alarmante pour qui souhaite une dĂ©cision citoyenne sur le sujet Ă©nergĂ©tique. A partir d’une enquĂȘte rĂ©alisĂ©e par internet 1, confirmant les ordres de grandeurs d’autres Ă©tudes, il est permis d’affirmer que l’ignorance rĂšgne plus que la connaissance de ce fait. Que nos concitoyens sont victimes d’une grande tromperie qui pĂšse sur leur rĂ©flexion. D’aprĂšs l’enquĂȘte IPSOS 75% des personnes se dĂ©clarant le plus hostiles Ă  l’électricitĂ© nuclĂ©aire croient que les centrales nuclĂ©aires contribuent beaucoup » Ă  l’effet de serre. L’ignorance est massive, puisque si l’on additionne les beaucoup » 44% et les un peu » 34%, on frĂŽle les 80% des sondĂ©s attribuant aux centrales nuclĂ©aires une responsabilitĂ© dans l’élĂ©vation de la teneur de l’atmosphĂšre en gaz Ă  effet de serre, et donc dans le changement climatique. MĂȘme une vision optimiste – pour l’état des connaissances de nos concitoyens – parvient quand mĂȘme Ă  constater que prĂšs de la moitiĂ© de la population se met le doigt dans l’Ɠil jusqu’au coude. Je crois donc je sais l’un des rĂ©sultats les plus frappant de l’enquĂȘte est la dĂ©pendance Ă  l’opinion de la diffusion d’une connaissance pourtant robuste, celle qui explique pourquoi le systĂšme Ă©lectrique français est dĂ©carbonĂ© » Ă  prĂšs de 90%. Un peu comme la situation amĂ©ricaine oĂč le vote DĂ©mocrate ou RĂ©publicain permet de prĂ©dire votre opinion sur la cause ou la rĂ©alitĂ© du changement climatique. L’enquĂȘte relie la position la plus hostile Ă  l’usage de l’électricitĂ© d’origine nuclĂ©aire avec l’ignorance la plus massive 75% des sondĂ©s se dĂ©clarant tout Ă  fait contre » l’utilisation du nuclĂ©aire croient que les centrales nuclĂ©aires contribuent beaucoup » Ă  l’effet de serre. La seule option de politique Ă©nergĂ©tique qui rassemble des personnes majoritairement informĂ©es de la vĂ©ritable liaison entre nuclĂ©aire et climat est celle qui se dĂ©clare tout Ă  fait pour » cette source d’électricitĂ©. Les opinions moins tranchĂ©es se distribuent entre ces deux extrĂȘmes. Un psycho-sociologue y verrait une magnifique illustration du biais de confirmation » qui encourage les individus Ă  Ă©carter toute information susceptible de mettre en cause leur croyance. Si l’on croit que l’énergie nuclĂ©aire, c’est mauvais, alors il faut qu’elle soit mauvaise aussi pour le climat
 que l’on veut prĂ©server. Le souci climatique est trĂšs fort Ce n’est pas par nĂ©gligence du dossier climatique que les sondĂ©s en arrivent Ă  partager massivement cette ignorance d’une des caractĂ©ristiques principales de l’électricitĂ© d’origine nuclĂ©aire. Ils sont en effet plus de 90% Ă  considĂ©rer le changement climatique comme trĂšs prĂ©occupant » ou assez prĂ©occupant ». Plus encore ils sont prĂšs de 90% Ă  considĂ©rer que pour choisir les Ă©nergies Ă  utiliser lutter contre le changement climatique » est soit trĂšs important » 49% soit plutĂŽt important ». On pourrait donc s’attendre Ă  ce que nos concitoyens fassent l’effort nĂ©cessaire pour comprendre l’origine premiĂšre du problĂšme – l’émission massive de gaz Ă  effet de serre issus de la combustion du pĂ©trole, du charbon et du gaz. Et donc se rendre compte de ce qu’une centrale nuclĂ©aire ne fait pas partie du problĂšme mais, Ă©ventuellement, de sa solution. Il convient toutefois de noter que cette enquĂȘte, aprĂšs d’autres, confirme que la population française n’est pas dans l’unanimitĂ© Ă  ce sujet. Une grosse majoritĂ© affirme, en accord avec les climatologues, que nous vivons un changement climatique anthropique, causĂ© par l’homme, mais ils ne sont que 67% en 2017 et n’étaient que seulement 55% en 2012. Plus on est jeune et plus on ignore L’analyse du dĂ©tail par tranche de population fait percevoir une dĂ©gradation de la culture scientifique inversement proportionnelle
 Ă  l’ñge. Plus on est jeune et plus on se trompe. Entre 18 et 24 ans, 63% de la population est persuadĂ©e du caractĂšre climaticide des centrales nuclĂ©aires. Et encore 55% des 25 Ă  34 ans. Curieusement, les jeunes sont aussi plus massivement convaincus que les vieux 75% des moins de 25 ans contre 50% des plus de 65 ans du caractĂšre anthropique du changement climatique. Autrement dit, la prĂ©occupation climatique ne conduit absolument pas Ă  la connaissance de la physique du climat, laquelle nous dit qu’une centrale nuclĂ©aire n’est pas une cause du changement climatique. Les femmes se distinguent mal, avec un score de 57% persuadĂ©es que les centrales nuclĂ©aires Ă©mettent beaucoup » de gaz Ă  effet de serre, mais c’est lĂ  un rĂ©sultat qui trouve sa source dans
 l’hostilitĂ© qu’elles marquent puisqu’elles sont 51% Ă  se dĂ©clarer tout Ă  fait contre ou contre leur utilisation, alors que seuls 39% des hommes sont dans ce cas. Le bilan des pour/contre » l’utilisation du nuclĂ©aire pour l’électricitĂ© est proche du match nul, avec 46% de contre contre 42% de pour. Les raisons invoquĂ©es par les uns et les autres pour choisir les Ă©nergies Ă  utiliser sont diverses emplois, protection de l’environnement, santĂ© publique, coĂ»t
 et lutter contre le changement climatique. Mais peut-on considĂ©rer que cette derniĂšre raison est envisagĂ©e Ă  bon escient lorsque tant de citoyens se trompent aussi lourdement sur la relation entre centrales nuclĂ©aires et Ă©missions de gaz Ă  effet de serre ? Le graphique ci-dessus montre en effet que les citoyens les plus soucieux de lutter contre le changement climatique sont Ă©galement les plus opposĂ©s au nuclĂ©aire. Une opinion qui serait tout Ă  fait respectable si elle ne s’accompagnait pas d’une ignorance largement partagĂ©e sur la vĂ©ritable relation entre nuclĂ©aire et climat. L’électricitĂ© allemande et française Pour comprendre l’enjeu de l’origine de l’électricitĂ©, une comparaison des systĂšmes Ă©lectriques allemand et français est utile. En voici une, effectuĂ©e le 10 avril Ă  prĂšs de 11h, au moment de l’écriture de cet article, Ă  l’aide d’un site web qui prĂ©sente en temps rĂ©el des systĂšmes Ă©lectriques et leurs Ă©missions de gaz Ă  effet de serre Ce jour lĂ  et Ă  cette heure lĂ , le systĂšme Ă©lectrique allemand est dans une situation assez reprĂ©sentative de ses performances moyennes, proche en termes d’émissions de gaz Ă  effet de serre de l’annĂ©e 2017 montre le graphique ci-contre. Avec 40% de renouvelables et 14% de nuclĂ©aire, il affiche une Ă©mission de CO2 de 387 g/kWh, due pour l’essentiel Ă  ses centrales Ă  charbon. Une performance menacĂ©e Ă  court terme, puisque toutes les centrales nuclĂ©aires seront fermĂ©es d’ici 2022 et il est peu probable que les renouvelables parviendront Ă  compenser toute la perte de production d’ici lĂ . Un graphique permet de mieux comprendre les Ă©missions de CO2 du systĂšme Ă©lectrique allemand et leurs Ă©volutions depuis 2000, de 640 g/kWh Ă  500 g/kWh en 2017 L’implantation de milliers d’éoliennes, de panneaux photovoltaĂŻques et l’usage massif de la combustion des dĂ©chets mĂ©nagers a permis une diminution des Ă©missions de CO2 du systĂšme Ă©lectrique allemand. Mais elles demeurent trĂšs Ă©levĂ©es comparĂ©es Ă  la France, la SuĂšde ou la NorvĂšge. A la mĂȘme heure et le mĂȘme jour, voici le systĂšme français. Avec son mix formĂ© surtout du nuclĂ©aire, de l’hydraulique, auquel s’ajoutent un peu d’éolien et de solaire, il est dĂ©carbonĂ© Ă  93% et n’émet que 60 g de CO2 par kWh. Une performance durable, puisque fondĂ©e sur des moyens de production susceptibles de se perpĂ©tuer pour des dĂ©cennies. Elle correspond Ă  celle que l’on attend en moyenne des systĂšmes Ă©lectriques des pays dĂ©veloppĂ©s d’ici 2050 si l’on veut s’approcher des objectifs climatiques fixĂ©s lors de la COP-21 Ă  Paris en 2015, limiter le rĂ©chauffement Ă  2°C de plus en moyenne planĂ©taire qu’avant la RĂ©volution industrielle. Elle pourrait toutefois se dĂ©grader si la diminution de la puissance nuclĂ©aire Ă©tait compensĂ©e par un mix gaz/renouvelables comme le prĂ©voit la loi sur la transition Ă©nergĂ©tique votĂ©e par le Parlement sous François Hollande. Un dĂ©bat public vĂ©rolĂ© Pourquoi la population française est-elle Ă  ce point dupĂ©e sur une caractĂ©ristique majeure et dĂ©cisive pour la politique climatique de son systĂšme Ă©lectrique ? La question interroge l’école, les formations supĂ©rieures, la presse, mais aussi les discours des responsables politiques et militants. Tout responsable politique doit se demander s’il s’exprime clairement sur ce sujet. Tout journaliste concernĂ© doit se demander si ce qu’il dit et Ă©crit ou pas contribue ou pas Ă  maintenir les citoyens dans cet Ă©tat d’ignorance ou Ă  l’informer correctement. Que l’on soit en dĂ©saccord avec l’utilisation de cette Ă©nergie parce que l’on n’est pas convaincu que les pratiques des industriels comme le dispositif public de contrĂŽle du risque nuclĂ©aire par l’AutoritĂ© de SĂ»retĂ© NuclĂ©aire sont efficaces pour nous protĂ©ger est respectable. Et peut constituer une raison pour refuser cette source d’électricitĂ©. Mais que le dĂ©bat public soit vĂ©rolĂ© par une ignorance aussi criante de la capacitĂ© de l’énergie nuclĂ©aire Ă  apporter une solution pĂ©renne et massive Ă  une fourniture d’électricitĂ© climato-compatible est une tare pour la vie dĂ©mocratique. Sylvestre Huet 1 EnquĂȘte IPSOS sur un Ă©chantillon reprĂ©sentatif de la population de 1389 personnes de plus de 18 ans vivant en France, rĂ©alisĂ©e du 15 juin au 6 juillet 2017. Le questionnaire, l’analyse et les graphiques proviennent de JĂ©rome CubiliĂ© des Etudes et Recherches d’EDF. "La vĂ©ritĂ© est dans la contradiction." Friedrich Hegel L’erreur, fondement de
 la vĂ©ritĂ© scientifique Avertissement, nous ne voulons discuter ici ni des fausses sciences, ni des para-sciences, ni des pseudo-sciences, ni des magies, ni des conceptions religieuses des sciences, ni des menteurs et des trafiquants de la science, ni de la notion de fraude en sciences, ni de la bonne foi ou de la mauvaise foi dans l’erreur, ni mĂȘme du caractĂšre limitĂ© des capacitĂ©s de l’homme en sciences et des difficultĂ©s de la connaissance, mais au contraire des succĂšs de la connaissance au cours du fonctionnement normal, courant, habituel de la science, celui fonctionne Ă  partir d’erreurs et pour parvenir Ă  d’autres erreurs, tout en n’ayant jamais cessĂ© de chercher la vĂ©ritĂ©. Nous ne dĂ©veloppons pas ici une conception qui soutienne l’importance du doute mĂ©thodologique, de la confrontation Ă  l’expĂ©rience ou de la compatibilitĂ© avec les autres connaissances, de la nĂ©cessitĂ© de se remettre en question, ni de toute autre conception de type moral sur la dĂ©marche scientifique. Nous ne discutons pas ici des critĂšres de vĂ©rification des preuves, ni des conceptions diverses de la vĂ©ritĂ©. Nous ne cherchons pas non plus Ă  opposer la notion de recherche de la vĂ©ritĂ© aux conceptions philosophiques des diverses sociĂ©tĂ©s, et Ă  relativiser ainsi la science, ni Ă  dĂ©velopper un quelconque scepticisme Ă  son Ă©gard, ni encore Ă  soutenir un pragmatisme qui pousse Ă  affirmer que la vĂ©ritĂ© absolue ne serait pas un but de la science qui devrait se contenter de vĂ©ritĂ©s partielles et locales. Nous ne voulons pas discuter des oppositions entre vĂ©ritĂ© et rĂ©alitĂ©, entre vĂ©ritĂ© et mensonge, entre vĂ©ritĂ© et possibilitĂ©, etc
 Non, nous voulons simplement discuter du caractĂšre Ă  notre avis indispensable, incontournable et positif de l’erreur en sciences, mĂȘme si ce n’est bien entendu pas le cas de n’importe quelles erreurs ni Ă  tout moment au sein du processus de la science
 LIRE AUSSI Qu’est-ce que la vĂ©ritĂ© ? Qu’est-ce que la science ? La vĂ©ritĂ© scientifique est-elle dans les faits ? Qu’est-ce que le phĂ©nomĂšne » ? La science et l’expĂ©rience Contre l’éclectisme, le relativisme et le scepticisme Contre l’empirisme La dialectique est-elle indispensable Ă  la pensĂ©e scientifique Faut-il une philosophie en sciences ? L’importance des paradigmes en sciences La science est-elle rĂ©futable ? La science est-elle mathĂ©matique ? La mystification de la matiĂšre L’objectivitĂ© du monde matĂ©riel Pourquoi la matiĂšre Ă©chappe Ă  l’intuition et au bon sens Il ne saurait y avoir de vĂ©ritĂ© premiĂšre. Il n’y a que des erreurs premiĂšres. » Gaston Bachelard La vĂ©ritĂ© est un mensonge rectifiĂ©. » Gaston Bachelard Parfois le mensonge explique mieux que la vĂ©ritĂ© ce qui se passe dans l’ñme. » Maxime Gorki La vĂ©ritĂ© est dans la contradiction. » Friedrich Hegel En fait de vĂ©ritĂ©s inutiles, l’erreur n’a rien de pire que l’ignorance. » Jean-Jacques Rousseau Pour le bon sens commun comme dans la conception de bien des auteurs, notamment celle des scientifiques, la vĂ©ritĂ© scientifique serait diamĂ©tralement opposĂ©e Ă  l’erreur et, comme telle, Ă  combattre attentivement, Ă  dĂ©masquer, Ă  effacer, Ă  dĂ©noncer
 Ainsi raisonnait notamment Descartes qui affirmait que "Il est certain que nous ne prendrons jamais le faux pour le vrai tant que nous ne jugerons que de ce que nous apercevons clairement et distinctement." Certains en sont mĂȘme restĂ©s Ă  l’idĂ©e qu’une vĂ©ritĂ© scientifique serait aussi indiscutable que un plus un Ă©gale deux » ! Elle devrait ĂȘtre fondĂ©e sur des certitudes de prĂ©fĂ©rence Ă©tayĂ©es mathĂ©matiquement et que l’on ne devrait jamais plus remettre en question. Ces personnes pensent que le progrĂšs des sciences irait de vĂ©ritĂ©s en vĂ©ritĂ©s, qu’elle progresse de maniĂšre continue ou saccadĂ©e, par rĂ©volutions scientifiques ou par petits progrĂšs, thĂ©oriques comme expĂ©rimentaux. Ils pensent qu’il n’y aurait jamais de retour en arriĂšre vers des thĂšses abandonnĂ©es pendant longtemps et que l’on croyait dĂ©finitivement rejetĂ©es. Ils n’ont pas conscience de fonder leur conception de la science dĂ©jĂ  sur une erreur la science ne peut pas progresser sans se hasarder sur des hypothĂšses comme le soulignait Henri PoincarĂ© et aller jusqu’au bout de leur examen, quitte Ă  se hasarder dans des impasses. Mais, en progressant ainsi, la science ne se trompe pas elle ne peut pas faire autrement que d’explorer et d’inventer des voies quitte Ă  trouver qu’elles ne sont pas les bonnes. La science progresse d’erreur en erreur et non de vĂ©ritĂ© en vĂ©ritĂ©. Jamais nous ne disposons de vĂ©ritĂ© indiscutable en sciences, ne serait-ce que parce que nos possibilitĂ©s d’accĂ©der aux informations sur le monde sont limitĂ©es par les moyens techniques de notre Ă©poque. On ne voit pas les mĂȘmes choses avec un microscope qu’avec un microscope Ă  effet tunnel ! On ne trouve les mĂȘmes rĂ©sultats sur les propriĂ©tĂ©s de la matiĂšre dans un tube Ă  essais que dans un accĂ©lĂ©rateur de particules ! Et les images que nous pouvons nous donner du fonctionnement du monde matĂ©riel dĂ©pendent dĂ©jĂ  des connaissances issues de ces moyens d’observation. Ainsi, nous sommes capables d’observer plus avant dans la matiĂšre, vers le plus petit, le plus loin dans l’espace, le plus Ă©nergĂ©tique, le mouvement le plus rapide, le plus en temps court au fur et Ă  mesure des Ă©poques. Et cela change considĂ©rablement ce que l’on voit mais aussi notre vision du monde, c’est-Ă -dire nos conceptions de la matiĂšre. L’exemple de la physique quantique est lĂ  pour nous montrer que le plus petit n’est pas une rĂ©duction de ce qui se passe Ă  niveau plus grand en taille, ce n’est pas une simple rĂ©duction
 Un monde hiĂ©rarchiquement infĂ©rieur peut avoir des fonctionnements et des lois complĂštement diffĂ©rentes de ce qu’elles sont au niveau supĂ©rieur. Le monde Ă  l’échelle quantique de la taille d’une action correspondant Ă  un ou Ă  un petit nombre de quanta de Planck ne fonctionne pas du tout sur le modĂšle que nous concevons pour la matiĂšre Ă  notre Ă©chelle. Le monde du vide quantique fonctionne encore sur un tout autre mode que celui des particules dites Ă©lĂ©mentaires. Par exemple, la mĂ©canique classique avec vitesse et position ne fonctionne que pour tout ce qui est plus grand que notre Ă©chelle dite macroscopique mais pas au niveau quantique. Et le temps lui-mĂȘme, avec son Ă©coulement en une seul sens n’existe plus du tout dans le vide quantique ! Il y a de vĂ©ritables sauts entre les diffĂ©rents niveaux emboitĂ©s qui constituent le monde. Il est certes possible d’étudier des phĂ©nomĂšnes impliquant essentiellement un seul niveau et c’est ce qui permet de raisonner suivant une conception en oubliant les autres. On peut ainsi continuer Ă  utiliser la mĂ©canique classique ou l’électromagnĂ©tisme classique dans certains domaines. Mais il faut quand mĂȘme savoir que l’on a choisi, en agissant ainsi, de faire abstraction de toute une partie de la rĂ©alitĂ©, d’échelle beaucoup plus grande ou beaucoup plus petite que ce soit en termes de distance, de temps, d’énergie. De la mĂȘme maniĂšre, on peut tout Ă  fait vivre et agir efficacement sur terre en considĂ©rant que la terre est plate sans trop se tromper. Il peut mĂȘme ĂȘtre bien plus faux de raisonner Ă  notre Ă©chelle Ă  partir de l’idĂ©e que la terre est ronde. Le mensonge » de la terre plate est une vĂ©ritĂ© pour celui qui construit un immeuble, qui utilise pour cela un niveau Ă  bulle indiquant les verticales et les horizontales. Les verticales, prises pour deux lieux peu Ă©loignĂ©s, sont considĂ©rĂ©es par le bĂątisseur comme des parallĂšles. Pourtant, nous savons maintenant que ces verticales sont fondĂ©es sur la gravitation qui attire toutes les masses vers le centre de gravitĂ© de la terre et donc loin d’ĂȘtre des parallĂšles, ces droites se rencontrent toutes en un mĂȘme point !!! Et pourtant, Ă  notre Ă©chelle, cette erreur thĂ©oriquement totalement fausse, est une vĂ©ritĂ© pratique, car les techniques de construction du BĂątiment ne peuvent avoir une plus grande prĂ©cision. Il serait mĂȘme absurde de chercher une prĂ©cision plus grande pour deux parallĂšles. De telles erreurs », qui sont en mĂȘme temps en quelque sorte des vĂ©ritĂ©s, ne sont pas des exceptions ou des cas particuliers. On est sans cesse dans la situation du bĂątisseur qui fonctionne sur la base d’approximations et d’images partiellement ou totalement erronĂ©es mais qui fonctionnent bien. Nous sommes sans cesse amenĂ©s Ă  nĂ©gliger » des Ă©lĂ©ments de niveau infĂ©rieur. On peut se dire que ce n’est pas grave puisque cela n’entraĂźne pas d’erreurs trop importantes sur le plan pratique. On appelle cela le pragmatisme. Malheureusement, en sciences comme dans d’autres domaines, cette philosophie prĂ©tendument plus terre Ă  terre et donc plus proche de la rĂ©alitĂ©, ne l’est pas. En effet, le fait de nĂ©gliger » des Ă©lĂ©ments plus petits en temps plus court ou plus rapides change complĂštement notre vision du monde et les lois Ă  y appliquer. Ainsi, Ă  notre Ă©chelle, le courant d’eau qui sort du robinet apparaĂźt comme un continuum. On parvient trĂšs bien Ă  s’en sortir en raisonnant ainsi et en comparant ce flot par volumes d’eau, comme si ce liquide Ă©tait continu et divisible Ă  volontĂ©. La molĂ©cule d’eau est suffisamment petite, et il y a un si grand nombre de molĂ©cules dans tout volume d’eau que nous considĂ©rons, que la continuitĂ© de ce courant de liquide suffit Ă  effectuer des calculs et des raisonnements Ă  notre Ă©chelle. Et pourtant, nous avons maintenant que l’eau du robinet, comme toute matiĂšre, ne peut exister que molĂ©cule par molĂ©cule, de maniĂšre tout Ă  fait discontinue. En raisonnant avec des volumes d’eau, on ne fait pourtant le plus souvent aucune erreur de raisonnement ni de calcul et pourtant l’image que nous utilisons est complĂštement fausse et mĂȘme contraire Ă  la rĂ©alitĂ© molĂ©culaire de la matiĂšre. Dans la rĂ©alitĂ©, ces volumes d’eau que nous utilisons dans les calculs existent-ils vraiment ? Non ! En effet, la notion de volume de l’eau comme d’autres matiĂšres n’a pas vraiment de sens car l’eau n’occupe pas de tels volumes. En effet, la molĂ©cule d’eau comme les autres molĂ©cules, loin d’occuper tout un volume laisse des grands vides entre deux molĂ©cules et d’autres grands vides au sein de la molĂ©cule. Donc un volume d’eau est d’abord un volume de vide ! Cependant le calcul de la quantitĂ© d’eau par volumes fonctionne parfaitement Ă  notre Ă©chelle d’expĂ©rience, d’observation et de mesure. Il ne suffit pas de dire que du volume Ă  la molĂ©cule, on a une autre vision qui gagne en prĂ©cision. En effet, en passant d’une vision Ă  l’autre, on change complĂštement d’image, de raisonnements, de lois et de conception, pour ne pas dire de philosophie. On passe d’une matiĂšre considĂ©rĂ©e comme continue, divisible par exemple Ă  l’infini, Ă  une matiĂšre discontinue et mĂȘme discrĂšte, avec une quantitĂ© minimale de base, la molĂ©cule d’eau dont toute quantitĂ© d’eau ne peut qu’ĂȘtre un multiple. C’est un changement radical et pas seulement une amĂ©lioration de la prĂ©cision de la description. Le petit n’est pas identique au grand, avec juste un changement d’échelle. La raison fondamentale du saut entre la petite Ă©chelle et la grande Ă©chelle provient du fait que le petit n’est seulement une brique Ă©lĂ©mentaire du grand, comme on le croyait autrefois selon une vision rĂ©ductionniste du monde qui l’imaginait comme un jeu de Lego. La grande Ă©chelle est un niveau Ă©mergent issu de la petite Ă©chelle, ce qui est trĂšs diffĂ©rent d’un jeu de construction. Emergent signifie que la matiĂšre a grande Ă©chelle n’est pas un objet qui existerait par lui-mĂȘme, serait toujours identique Ă  lui-mĂȘme et obĂ©irait Ă  une loi selon laquelle le tout est la somme des parties ». Quiconque a vu un vase se rompre peut ĂȘtre parfaitement persuadĂ© que le tout est la somme des parties et que si on divisait ce vase en parties encore plus Ă©lĂ©mentaires, en particules par exemple, il en serait de mĂȘme. Et c’est cela qui s’est rĂ©vĂ©lĂ© complĂštement faux. Cela marche assez bien Ă  notre Ă©chelle, dans les phĂ©nomĂšnes les plus courants de matiĂšre Ă  notre Ă©chelle. Cela ne marche plus du tout dĂšs qu’on approche de l’échelle quantique. Quiconque examine de la matiĂšre Ă  notre Ă©chelle, par exemple cette table, est persuadĂ© qu’elle est toujours identique Ă  elle-mĂȘme et qu’il ne lui arrive rien si on n’y touche pas. Il peut croire que c’est toujours la mĂȘme matiĂšre et donc qu’elle doit sans doute toujours ĂȘtre constituĂ©e des mĂȘmes particules mais cela est faux. Car les particules Ă©lĂ©mentaires ne sont pas assimilables Ă  des objets fixes, pas plus qu’aucune matiĂšre Ă  l’échelle quantique. L’étude de toute matiĂšre Ă  l’échelle quantique donne une rĂ©ponse fondamentalement opposĂ©e Ă  de telles assertions. La matiĂšre change sans cesse Ă  petite Ă©chelle au point que l’on ne peut pas suivre le mĂȘme Ă©lectron » ni le mĂȘme proton » comme on peut suivre dans le temps la mĂȘme table » ou le mĂȘme vase ». On ne peut d’ailleurs pas distinguer deux particules du mĂȘme type, comme deux Ă©lectrons ou deux protons, si elles sont dans une zone proche. Dans le vide quantique, on ne peut mĂȘme pas distinguer une particule de matiĂšre du vide qui l’entoure au plus prĂšs. En effet, particules de matiĂšre et particules du vide toutes proches Ă©changent sans cesse leur rĂŽle, la matiĂšre devenant du vide et inversement. Quelle image de la matiĂšre dit vrai et quelle image est une erreur ? Celle Ă  notre Ă©chelle ? Celle Ă  l’échelle des Ă©toiles, des galaxies, des amas de galaxies, des superamas ? Celle Ă  l’échelle des quanta de matiĂšre par exemple des particules dites Ă©lĂ©mentaires ? Celle Ă  l’échelle dite virtuelle du vide quantique ? Celle Ă  l’échelle dite virtuel de virtuel qui fonde le vide quantique ? On ne saurait rĂ©pondre par vrai ou faux aux questions les plus fondamentales des sciences l’atome existe-t-il ? l’éther existe-t-il ? le temps existe-t-il ? la force en physique existe-t-elle ? la matiĂšre est faite d’ondes ? la lumiĂšre est faite d’ondes ? la matiĂšre est faite d’objets ? La raison n’en est pas notre ignorance mais le manque de validitĂ© scientifique de toute philosophie du vrai ou faux ». Il n’y a pas d’un cĂŽtĂ© une vĂ©ritĂ© et de l’autre un mensonge. Il y a une diffĂ©rence de point de vue qui est rendue possible par le caractĂšre intrinsĂšquement contradictoire de la rĂ©alitĂ©. Ce sont ces contradictions rĂ©elles qui permettent des visions diverses. Ainsi, un mammifĂšre qui se dĂ©place sur terre a une certaine vision des forces qui s’exercent sur son corps et de la maniĂšre de les combattre pour se dĂ©placer sur terre. Un insecte ou tout animal trĂšs petit aura une toute autre vision de ces forces et, pour lui, la tension superficielle de l’eau aura une bien plus grande importance que la gravitation. Nous ne cherchons pas ainsi Ă  relativiser ce que nous dit la matiĂšre. Nous cherchons Ă  souligner que les points de vue coexistent parce que la matiĂšre contient les deux termes de la contradiction. Nous n’avons pas Ă  choisir entre la matiĂšre-onde et la matiĂšre-corpuscule, entre la matiĂšre dire virtuelle du vide et la matiĂšre dite rĂ©elle, entre la matiĂšre-Ă©nergie, se dĂ©plaçant Ă  la vitesse de la lumiĂšre, et la matiĂšre de masse inerte, se dĂ©plaçant Ă  vitesse limitĂ©e. En effet, les uns et les autres coexistent au point de pouvoir s’échanger, se combiner, se transformer, etc
 Il ne s’agit donc nullement d’en tirer une leçon en termes de relativisme, ni de pragmatisme, ni de scepticisme mais de conception dialectique du rĂ©el, ce qui est bien diffĂ©rent. Les niveaux hiĂ©rarchiques coexistent de maniĂšre dialectique contradictoires et combinĂ©s. Ondes et corpuscules, quantique et relativitĂ©, mascroscopique et microscopique s’opposent et se composent
 La progression des idĂ©es scientifiques est tout aussi dialectique. L’histoire des sciences est pleine de va et vient entre des idĂ©es considĂ©rĂ©es comme vraies et des idĂ©es considĂ©rĂ©es comme fausses. Par exemple, on a longtemps cru que la principale erreur de Newton rĂ©sidait dans sa conception de la lumiĂšre fondĂ©e sur des corpuscules discontinuitĂ© alors que, durant de longues annĂ©es, la science de la lumiĂšre a pu progresser considĂ©rablement en se fondant sur la continuitĂ© des ondes. La physique quantique, dĂ©veloppĂ©e Ă  partir de l’effet photoĂ©lectrique d’Einstein, a donnĂ© le coup de grĂące Ă  cette idĂ©e continue de la lumiĂšre. Peu aprĂšs, la physique quantique donnait aussi le coup de grĂące Ă  l’idĂ©e inverse selon laquelle la matiĂšre ne connaissait pas de lois continues du type ondes », avec la dĂ©couverte de Louis de Broglie des ondes de matiĂšre
 L’opposition diamĂ©trale des ondes et des corpuscules avait vĂ©cu. Et d’autres oppositions diamĂ©trales allaient suivre, toujours grĂące Ă  la physique quantique, dont l’opposition entre matiĂšre et lumiĂšre, l’opposition entre matiĂšre et vide. La relativitĂ© allait dĂ©truire aussi l’opposition diamĂ©trale entre matiĂšre et lumiĂšre, entre passĂ© et futur, entre matiĂšre et Ă©nergie
 La vĂ©ritĂ© et l’erreur, peut-on dĂ©crire ainsi les dĂ©veloppements de la science ? La physique de Newton est-elle une erreur » par rapport Ă  la physique de la relativitĂ© d’Einstein ? La relativitĂ© restreinte est-elle une erreur » par rapport Ă  la relativitĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e ? Les diffĂ©rents niveaux de la physique quantique sont-ils des vĂ©ritĂ©s ou des erreurs les uns par rapport aux autres ? Qui reprocherait, par exemple, Ă  Bohr ou Ă  Rutherford leur image de l’atome dite planĂ©taire, aujourd’hui abandonnĂ©e, dans lequel on considĂ©rait que les Ă©lectrons tournaient autour du noyau atomique Ă  la maniĂšre de planĂštes tournant autour du soleil. On sait aujourd’hui que cette image est fausse et rendrait impossible la stabilitĂ© de la matiĂšre, des Ă©lectrons tournant perdraient trĂšs rapidement leur Ă©nergie et tomberaient sur le noyau. Cela n’a pas empĂȘchĂ© cette image d’ĂȘtre encore souvent prĂ©sentĂ©e et d’avoir permis de raisonner sur des niveaux de couches de l’atomes et d’interprĂ©ter du coup les Ă©missions et absorptions de photons comme des sauts d’électrons d’une couche Ă  une autre de l’atome, idĂ©e qui allait fonder la physique quantique. C’est loin d’ĂȘtre un cas exceptionnel. Les exemples oĂč une erreur a Ă©tĂ© Ă  la base d’un progrĂšs fondamental sont lĂ©gion, dans le passĂ© lointain de la science comme Ă  l’époque moderne, de l’idĂ©ologie chinoise d’un monde fondĂ© sur une boule dans un cube qui a donnĂ© naissance Ă  la notion des trois dimensions Ă  l’alchimie qui a conduit Ă  la chimie et qui a Ă©tĂ© finalement vĂ©rifiĂ©e par la transmutation nuclĂ©aire des atomes. On peut citer Ă  l’époque moderne l’erreur du grand physicien Fermi, pour laquelle il a obtenu le prix Nobel. Fermi a en effet cru produire deux nouveaux Ă©lĂ©ments, dont les numĂ©ros d’ordre sont 93 et 94, Ă©lĂ©ments auxquels il a donnĂ© le nom d’ausĂ©nium et d’hespĂ©rium", expliquait ainsi l’acadĂ©mie des Nobel pour justifier son choix. ProblĂšme ces Ă©lĂ©ments n’ont jamais existĂ© dans l’expĂ©rience du chercheur, Fermi s’étant trompĂ© dans son interprĂ©tation. Ce qui ne l’empĂȘchera pas de recevoir le prix Nobel de physique le 12 dĂ©cembre 1938, pour son expĂ©rience menĂ©e en 1934. Quatre annĂ©es sans contradiction scientifique auront suffi pour faire d’une hypothĂšse fausse une "dĂ©couverte scientifique". Il faudra attendre le tout dĂ©but de l’annĂ©e 1939, lorsque deux chercheurs allemands reproduisent l’expĂ©rience d’Enrico Fermi, pour faire la lumiĂšre sur son travail. Et s’apercevoir que s’il avait bien commis une erreur concernant "l’ausĂ©nium" et "l’hespĂ©rium", le chercheur italien avait en revanche fait une dĂ©couverte bien plus importante sans le savoir son expĂ©rience est tout simplement Ă  l’origine de la dĂ©couverte de la fission nuclĂ©aire
 Une erreur trĂšs productive ! Dans La Recherche, Une vision corrosive du progrĂšs scientifique » Dans La Structure des rĂ©volutions scientifiques, Kuhn conclut ainsi - Ă  titre provisoire, il est vrai " Pour ĂȘtre plus prĂ©cis, il se peut que nous soyons amenĂ©s Ă  abandonner l’idĂ©e que les changements de paradigme rapprochent sans cesse les scientifiques et ceux qui les suivent de la vĂ©ritĂ©. "
 Si Kuhn admet que le progrĂšs puisse exister dans les sciences, il dĂ©nie que ce progrĂšs tende vers aucun but, quel qu’il soit. Il emploie frĂ©quemment la mĂ©taphore de l’évolution biologique d’aprĂšs lui, le progrĂšs scientifique ressemblerait Ă  l’évolution telle que la concevait Darwin, c’est-Ă -dire Ă  un processus non dirigĂ© vers un but quelconque. D’aprĂšs lui, la nĂ©cessitĂ© de rĂ©soudre les problĂšmes scientifiques constitue le moteur de la sĂ©lection naturelle des thĂ©ories. Dans une pĂ©riode de science normale, finissent par surgir des problĂšmes insolubles dans le cadre des thĂ©ories existantes. D’oĂč une prolifĂ©ration d’idĂ©es nouvelles ; parmi elles, les mieux adaptĂ©es Ă  la rĂ©solution de ces problĂšmes survivent. Certes, Kuhn reconnaĂźt que les thĂ©ories de Maxwell ou d’Einstein sont meilleures que celles qui les prĂ©cĂ©daient, tout comme les mammifĂšres se sont rĂ©vĂ©lĂ©s plus douĂ©s que les dinosaures pour survivre aux effets des impacts de comĂštes. Mais l’apparition future de nouveaux problĂšmes les verra remplacĂ©es par de nouvelles thĂ©ories, plus adaptĂ©es Ă  la rĂ©solution de ces problĂšmes, et ainsi de suite, sans qu’il s’en dĂ©gage aucune amĂ©lioration d’ensemble
 Il est Ă©galement vrai que les scientifiques immergĂ©s dans une pĂ©riode de science normale Ă©prouvent les plus grandes difficultĂ©s Ă  comprendre les travaux produits par leurs prĂ©dĂ©cesseurs au cours des rĂ©volutions scientifiques prĂ©cĂ©dentes. Nous sommes le plus souvent incapables de ressentir a posteriori la rupture conceptuelle produite pendant une rĂ©volution. Par exemple, un physicien d’aujourd’hui a bien du mal Ă  lire les Principia de Newton, mĂȘme dans une traduction moderne du latin. Il a ainsi fallu des annĂ©es au grand astrophysicien Subrahmanyan Chandrasekhar pour transposer le raisonnement des Principia sous une forme accessible Ă  un physicien actuel. De fait, les participants d’une rĂ©volution scientifique vivent quasiment dans deux mondes diffĂ©rents ils appartiennent Ă  la fois Ă  la pĂ©riode antĂ©rieure de science normale, en voie d’effondrement, et Ă  la nouvelle, qu’ils ne comprennent pas encore complĂštement. VoilĂ  pourquoi il est beaucoup moins difficile, pour des scientifiques travaillant dans une pĂ©riode de science normale, de comprendre les thĂ©ories d’un paradigme antĂ©rieur sous leur forme achevĂ©e, parvenue Ă  maturité  On peut en dire autant de notre conception de l’électrodynamique de James Clerk Maxwell. Le TraitĂ© sur l’électricitĂ© et le magnĂ©tisme publiĂ© en 1873 par Maxwell est lui aussi d’accĂšs difficile pour un physicien moderne. Il repose en effet sur l’idĂ©e que les champs Ă©lectriques et magnĂ©tiques expriment des tensions dans un corps, l’éther, Ă  l’existence duquel nous ne croyons plus aujourd’hui. De ce point de vue, Maxwell est lui aussi prĂ©maxwellien. Oliver Heaviside, qui donna Ă  la thĂ©orie de Maxwell sa formalisation moderne, disait que Maxwell n’était qu’à moitiĂ© maxwellien. La thĂ©orie maxwellienne - c’est-Ă -dire la thĂ©orie de l’électricitĂ©, du magnĂ©tisme et de la lumiĂšre fondĂ©e sur les travaux de Maxwell - n’atteignit sa forme achevĂ©e dĂ©barrassĂ©e de sa rĂ©fĂ©rence Ă  l’éther qu’en 1900, et c’est cette derniĂšre que nous enseignons Ă  nos Ă©tudiants. Ils suivent ensuite des cours de mĂ©canique quantique, oĂč ils apprennent que la lumiĂšre est constituĂ©e de particules appelĂ©es photons et que les Ă©quations de Maxwell ne sont que des approximations. Mais cela ne les empĂȘche nullement de continuer Ă  comprendre l’électrodynamique maxwellienne et Ă  y recourir en cas de besoin. En rĂ©sumĂ©, c’est l’évaluation des thĂ©ories une fois parvenues Ă  maturitĂ©, et non au moment de leur naissance, qui permet de dĂ©finir ce qu’est le progrĂšs scientifique
 Naturellement, Kuhn sait que les physiciens actuels utilisent la thĂ©orie newtonienne de la gravitation ou la thĂ©orie maxwellienne de l’électricitĂ© et du magnĂ©tisme comme de bonnes approximations, dĂ©ductibles de thĂ©ories plus exactes. Mais nous ne les considĂ©rons certainement pas comme purement et simplement fausses, dans le sens oĂč sont fausses la thĂ©orie du mouvement d’Aristote et sa conception du feu comme un Ă©lĂ©ment le phlogistique. Dans son livre sur la rĂ©volution copernicienne, Kuhn lui-mĂȘme dĂ©crit, sans en paraĂźtre embarrassĂ©, comment certains Ă©lĂ©ments constitutifs des thĂ©ories scientifiques survivent dans celles qui les supplantent
 si notre thĂ©orie actuelle des particules Ă©lĂ©mentaires le " modĂšle standard " a enregistrĂ© des succĂšs stupĂ©fiants, les physiciens contemporains ne sont pas fermement attachĂ©s Ă  la vision de la nature sur laquelle elle repose. Le modĂšle standard est une thĂ©orie des champs, en ceci qu’il considĂšre les constituants Ă©lĂ©mentaires de la nature comme des champs - c’est-Ă -dire des conditions d’un espace, en dehors de toute considĂ©ration sur la matiĂšre qu’il contient -, plutĂŽt que comme des particules. Ces vingt derniĂšres annĂ©es, on s’est aperçu que toute thĂ©orie fondĂ©e sur la mĂ©canique quantique et la relativitĂ© prend l’aspect d’une thĂ©orie des champs lorsque les expĂ©riences sont rĂ©alisĂ©es Ă  des Ă©nergies suffisamment basses. Et la plupart des physiciens considĂšrent aujourd’hui le modĂšle standard comme une " thĂ©orie des champs effective ", fournissant Ă  basse Ă©nergie une approximation d’une thĂ©orie fondamentale encore inconnue, qui ne fait peut-ĂȘtre aucunement appel Ă  des champs. Si ce modĂšle standard constitue le paradigme de la science normale actuelle, il comporte plusieurs Ă©lĂ©ments ad hoc , dont au moins dix-huit constantes numĂ©riques, telles la masse et la charge de l’électron, qu’il a fallu ajuster arbitrairement pour faire coller la thĂ©orie aux expĂ©riences. Et, de plus, le modĂšle standard n’incorpore pas la gravitation. Les thĂ©oriciens savent donc qu’il leur faut dĂ©couvrir une thĂ©orie plus satisfaisante, dont le modĂšle standard actuel ne deviendra qu’une bonne approximation. De leur cĂŽtĂ©, les expĂ©rimentateurs travaillent d’arrache-pied Ă  dĂ©couvrir des donnĂ©es qui entreraient en contradiction avec les prĂ©dictions du modĂšle standard. On a par exemple rĂ©cemment annoncĂ© les rĂ©sultats d’une expĂ©rience souterraine effectuĂ©e au Japon les particules appelĂ©es neutrinos possĂ©deraient des masses, dont la version originale du modĂšle standard nĂ©glige de tenir compteI. Or, si l’on a entamĂ© la recherche de ces masses il y a dĂ©jĂ  de nombreuses annĂ©es, c’est entre autres Ă  partir de ce soupçon quelle que soit la future thĂ©orie appelĂ©e Ă  dĂ©passer notre modĂšle standard actuel, elle a de bonnes chances d’impliquer l’existence de faibles masses pour les neutrinos. Pierre BarthĂ©lemy Le Nobel de Physique rĂ©compensait une incroyable erreur
 » En 1938, c’est l’immense chercheur italien Enrico Fermi qui reçoit la distinction suprĂȘme pour, je cite, "sa dĂ©couverte de nouveaux Ă©lĂ©ments radioactifs, dĂ©veloppĂ©s par l’irradiation des neutrons, et sa dĂ©couverte Ă  ce propos des rĂ©actions de noyaux, effectuĂ©es au moyen des neutrons lents". Le communiquĂ© explicite cette dĂ©couverte ainsi “Fermi a en effet rĂ©ussi Ă  produire deux nouveaux Ă©lĂ©ments, dont les numĂ©ros d’ordre sont 93 et 94, Ă©lĂ©ments auxquels il a donnĂ© le nom d’ausĂ©nium et d’hespĂ©rium.” Seulement voilĂ , d’ausĂ©nium et d’hespĂ©rium il n’y avait en rĂ©alitĂ© point dans l’expĂ©rience du savant transalpin. Fermi s’était trompĂ© dans son interprĂ©tation et il avait nĂ©anmoins eu le prix Nobel pour la dĂ©couverte de deux Ă©lĂ©ments imaginaires... Pour comprendre cette erreur, il faut replonger dans les annĂ©es 1930, Ăšre des pionniers du noyau atomique. L’histoire illustre Ă  merveille la maniĂšre dont la science se trompe, se corrige et, ce faisant, s’amĂ©liore. Que fait Enrico Fermi dans l’expĂ©rience qui lui vaut ce Nobel, relatĂ©e en 1934 dans Nature ? A l’époque, on ne connaĂźt pas d’élĂ©ment chimique dont le noyau contienne davantage de protons que l’uranium 92 et le chercheur italien se demande s’il est possible de synthĂ©tiser des Ă©lĂ©ments plus lourds. Son idĂ©e est de profiter de la radioactivitĂ© bĂȘta qu’il vient de modĂ©liser et grĂące Ă  laquelle un neutron peut se transformer en proton ou le contraire. Pour son expĂ©rience, Fermi part de l’idĂ©e qu’en bombardant de neutrons des noyaux d’uranium, ceux-ci vont finir par absorber un neutron qui, sous l’effet la radioactivitĂ© bĂȘta, se transformera en proton. Le noyau aura finalement gagnĂ© un proton, ce qui aura "transmutĂ©" l’uranium Ă  92 protons en Ă©lĂ©ment nouveau Ă  93 protons que Fermi appellera ausĂ©nium. AprĂšs une nouvelle Ă©tape, celui-ci se mĂ©tamorphosera en Ă©lĂ©ment Ă  94 protons nommĂ© hespĂ©rium. La difficultĂ© de l’expĂ©rience consiste Ă  dĂ©tecter la prĂ©sence de ces nouveaux Ă©lĂ©ments. Fermi ne les identifie pas chimiquement il se contente de constater que l’expĂ©rience produit deux "choses" radioactives dont les caractĂ©ristiques sont inconnues. Pour lui, c’est la preuve, certes indirecte, mais la preuve quand mĂȘme, qu’il a synthĂ©tisĂ© deux nouveaux Ă©lĂ©ments. Comme l’explique Martin Quack, chercheur Ă  l’Ecole polytechnique fĂ©dĂ©rale de Zurich, dans l’article qu’il a rĂ©cemment consacrĂ© Ă  cette histoire publiĂ© par Angewandte Chemie International Edition, Enrico Fermi est au dĂ©part plutĂŽt prudent dans sa formulation. Mais les annĂ©es passant et rien ne venant contredire cette interprĂ©tation, cette prudence s’estompe et l’on considĂšre le rĂ©sultat comme acquis, d’autant que la stature scientifique de l’Italien est immense. La chimiste allemande Ida Noddack tente bien d’avancer que le niveau de preuve n’est pas suffisant, mais personne ne tient vraiment compte de ses objections. Un magnifique cas d’école de l’aveuglement des experts. Tout se prĂ©cipite Ă  la fin 1938, comme dans un thriller scientifique oĂč le temps se condense et s’accĂ©lĂšre. Le 12 dĂ©cembre, Enrico Fermi reçoit Ă  Stockholm son prix Nobel des mains du roi de SuĂšde. Il en profite pour fuir aux Etats-Unis, la situation de son Ă©pouse, qui est juive, Ă©tant de plus en plus prĂ©caire dans l’Italie mussolinienne. Une semaine plus tard, le 19, le chimiste allemand Otto Hahn, qui a, avec Fritz Strassmann, reproduit l’expĂ©rience de Fermi, envoie ses rĂ©sultats Ă  sa consƓur Lise Meitner les produits de l’expĂ©rience ne sont pas des Ă©lĂ©ments superlourds. Au contraire, cela ressemble Ă  des isotopes inconnus d’élĂ©ments plus lĂ©gers, notamment du baryum 56 protons. Mais comment diable de l’uranium peut-il donner du baryum ? Pendant les vacances de NoĂ«l, Lise Meitner discute avec son neveu, Otto Frisch de la possibilitĂ© thĂ©orique qu’un noyau d’uranium se brise pour donner des noyaux plus lĂ©gers. Ils Ă©crivent un article en ce sens qui sera publiĂ© en fĂ©vrier 1939. Ce qu’avait rĂ©alisĂ© Enrico Fermi sans le comprendre, c’était la premiĂšre expĂ©rience de fission nuclĂ©aire ! Le coupable Ă©tait dans l’uranium. Le minerai naturel d’uranium contient deux isotopes de cet Ă©lĂ©ment. Le premier, l’uranium 238 92 protons + 146 neutrons est de trĂšs loin le plus courant puisqu’il reprĂ©sente plus de 99 % du minerai. Le second, l’uranium 235 92 protons + 143 neutrons est beaucoup plus rare 0,7 % au point qu’on peut le considĂ©rer comme une impuretĂ©. C’est lui qui est fissile et que l’on emploie dans de nombreux rĂ©acteurs nuclĂ©aires. Et c’est aussi lui qui se trouvait dans la bombe atomique d’Hiroshima. Dans l’expĂ©rience de Fermi, le bombardement de neutrons n’a, contrairement Ă  ce qu’espĂ©rait le savant italien, rien fait aux atomes d’uranium 238. En revanche, il a provoquĂ© la fission des noyaux d’uranium 235. Les produits nouveaux qu’a dĂ©tectĂ©s l’Italien Ă©taient des produits de fission, des Ă©lĂ©ments plus lĂ©gers, inconnus sous cette forme radioactive, comme le baryum 140. Enrico Fermi mĂ©ritait sans doute un Nobel et il est dommage qu’il l’ait reçu pour une expĂ©rience mal interprĂ©tĂ©e et pas assez approfondie. DĂšs qu’il apprit la dĂ©couverte de Hahn et Strassmann, dĂ©but 1939, il modifia son discours de rĂ©ception du prix pour intĂ©grer ce nouveau rĂ©sultat, preuve d’une grande honnĂȘtetĂ© intellectuelle. Les deux chercheurs allemands reçurent le Nobel de chimie 1944 pour la fission nuclĂ©aire Lise Meitner Ă©tant scandaleusement oubliĂ©e dans l’histoire et, d’une certaine maniĂšre, pour avoir corrigĂ© l’erreur de Fermi. Ce dernier rĂ©alisa, en collaboration avec Leo Szilard, la premiĂšre pile atomique en 1942, c’est-Ă -dire la premiĂšre rĂ©action nuclĂ©aire en chaĂźne contrĂŽlĂ©e de l’histoire. Et, bien sĂ»r, Fermi travailla pour le projet Manhattan qui mena Ă  la bombe atomique. Quant aux Ă©lĂ©ments 93 et 94, le neptunium et le plutonium, ils furent bel et bien produits selon le processus qu’avait prĂ©vu Fermi. En 1951, on donna donc de nouveau un prix Nobel de chimie Ă  ceux qui les avaient mis en Ă©vidence, mais cette fois-ci pour de vrai Glenn Seaborg et Edwin McMillan. Trois-quarts de siĂšcle aprĂšs le Nobel de l’erreur, l’histoire vient rappeler que la science a deux versants insĂ©parables, le cĂŽtĂ© crĂ©atif et le cĂŽtĂ© critique. Comme le souligne Martin Quack dans son article, "la composante crĂ©ative s’engage dans de nouvelles idĂ©es et dans des avenues inexplorĂ©es .... Elle se vend bien grĂące au terme chic de "nouveau". Cependant, la composante critique est tout aussi importante que la composante crĂ©ative. Elle interroge le rĂ©sultat "nouveau", soumettant ses faiblesses Ă  une critique sĂ©vĂšre, rĂ©pĂ©tant et testant les rĂ©sultats dans de longues enquĂȘtes impliquant un dur labeur. Souvent elle rejette ou corrige le rĂ©sultat original et mĂšne parfois Ă  une dĂ©couverte encore plus frappante." VĂ©rifier les rĂ©sultats des autres a des airs austĂšres et tristes de police scientifique mais conduit parfois Ă  la rĂ©volution. Martin Andler La science au risque de l’erreur » Henri PoincarĂ© et le problĂšme Ă  trois corps Quand, en mai 1885, le mathĂ©maticien Gösta Mittag-Leffler 1846-1927 annonce qu’un prix en l’honneur d’Oscar II, roi de SuĂšde et de NorvĂšge, Ă  l’occasion de son soixantiĂšme anniversaire, serait dĂ©cernĂ© en 1888 Ă  l’auteur d’un article original de mathĂ©matiques, son opĂ©ration de promotion des mathĂ©matiques est bien organisĂ©e. DĂ©jĂ , ce talentueux professeur Ă  l’universitĂ© de Stockholm, mathĂ©maticien reconnu un peu partout en Europe, notamment en Allemagne oĂč il a fait ses Ă©tudes, et en France oĂč il vient rĂ©guliĂšrement, est parvenu, grĂące au soutien du roi, Ă  lancer une revue mathĂ©matique prestigieuse, Acta Mittag-Leffler a rĂ©uni un jury prestigieux, comprenant, outre lui-mĂȘme, deux trĂšs grands mathĂ©maticiens, certes en fin de carriĂšre, mais qui assurent une grande publicitĂ© au prix, l’Allemand Karl Weierstrass 1815-1898 et le Français Charles Hermite 1822-1901. Il est clair que Mittag-Leffler a, d’emblĂ©e, un candidat pour le prix son ami, le jeune mais dĂ©jĂ  cĂ©lĂšbre mathĂ©maticien français Henri PoincarĂ© 1854-1912. Et en effet, le jury dĂ©cide de lui attribuer le prix de deux mille cinq cents couronnes l’annonce en est faite le 20 janvier 1889, jour de l’anniversaire d’Oscar II. Le texte de PoincarĂ© est envoyĂ© Ă  l’imprimeur ; Mittag Leffler est assistĂ©, pour Acta Mathematica, par un secrĂ©taire de rĂ©daction qui est un jeune Ă©tudiant prometteur de vingt-six ans, Lars Phragmen. En relisant les Ă©preuves, Phragmen dĂ©couvre une erreur ! On notera Ă  ce propos que l’étudiant n’a, en fin de compte, pas hĂ©sitĂ© Ă  mettre en question l’autoritĂ© du professeur en sciences, les arguments d’autoritĂ© sont hors de propos. La suite est rocambolesque, car le mĂ©moire a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© imprimĂ© et quelques exemplaires ont circulĂ©. PoincarĂ© doit rembourser les frais d’impression pour un montant supĂ©rieur au prix reçu, et de son cĂŽtĂ©, Mittag-Leffler doit retrouver la trace de tous les exemplaires contenant la dĂ©monstration fausse et les rĂ©cupĂ©rer. Mais surtout il faut corriger l’erreur, ce que PoincarĂ© parvient Ă  faire en quelques mois d’effort acharnĂ©, en avril 1890 ; c’est lĂ  que la science reprend le dessus sur l’anecdote. Pour en situer l’enjeu, nous devons entrer dans les mathĂ©matiques elles-mĂȘmes. Le mĂ©moire de PoincarĂ© portait sur le problĂšme Ă  trois corps » ; il s’agissait de comprendre les mouvements relatifs de trois astres trois corps, typiquement une Ă©toile et deux planĂštes, ou une Ă©toile, une planĂšte et une lune. Ces trois astres s’attirent mutuellement selon la loi de l’attraction universelle de Newton. S’il n’y a que deux astres, le mouvement est simple Ă  dĂ©crire, les lois de Kepler s’appliquent les trajectoires des deux astres sont elliptiques autour d’un foyer, centre de gravitĂ© de l’ensemble. Newton lui-mĂȘme en a fait le calcul Ă  partir de ses lois. Si l’on nĂ©glige l’action mutuelle des deux petits astres, lĂ  encore le calcul complet est possible, et on trouve Ă  nouveau les orbites elliptiques. En premiĂšre approximation, il est lĂ©gitime de le faire l’attraction de VĂ©nus sur la Terre est de l’ordre de deux millioniĂšmes de l’attraction du Soleil sur la Terre. Mais la thĂ©orie ne permet pas de dire si cette infime attraction ne va pas changer complĂštement l’évolution du systĂšme Ă  long terme. Car, contrairement au problĂšme Ă  deux corps, on ne sait pas, Ă  la fin du XIXe siĂšcle, rĂ©soudre les Ă©quations pour le problĂšme Ă  trois corps ! Au dĂ©but du XXIe siĂšcle, on n’a toujours pas de rĂ©ponse complĂšte, mais les travaux de PoincarĂ© ont permis un saut dĂ©cisif dans la comprĂ©hension du problĂšme. Avant mĂȘme l’affaire du prix, PoincarĂ© avait engagĂ© l’étude des Ă©quations du type de celles que l’on rencontre en mĂ©canique cĂ©leste, lors de l’étude du mouvement des astres par exemple, dans une voie tout Ă  fait diffĂ©rente de ses prĂ©dĂ©cesseurs. Les mathĂ©maticiens du XIXe siĂšcle avaient consacrĂ© beaucoup d’énergie Ă  rĂ©soudre complĂštement ces Ă©quations, appelĂ©es diffĂ©rentielles », dans de nombreux cas fort intĂ©ressants. Mais vers la fin du XIXe siĂšcle il devenait de plus en plus clair qu’on ne pourrait jamais rĂ©soudre toutes ces Ă©quations. Ce que PoincarĂ© lança, c’est ce que l’on appelle maintenant la thĂ©orie qualitative » des Ă©quations diffĂ©rentielles, qui permet de donner des rĂ©sultats prĂ©cis sur l’évolution du systĂšme sans pour autant avoir calculĂ© prĂ©cisĂ©ment tous les dĂ©tails
 Dans le mĂ©moire proposĂ© pour le prix, PoincarĂ© s’est intĂ©ressĂ© Ă  un cas particulier du problĂšme Ă  trois corps le problĂšme des trois corps rĂ©duit, correspondant Ă  la situation Ă©toile/planĂšte/satellite, oĂč ‱ 1° les trois corps restent dans un plan fixe ; ‱ 2° l’étoile et la planĂšte dĂ©crivent des trajectoires circulaires coplanaires autour de leur centre de gravitĂ© commun ; ‱ 3° le satellite est supposĂ© de masse m nulle. Un exemple physique de cette situation Soleil /Terre /satellite artificiel. Pour formaliser la situation, il introduit un espace de dimension 4, l’espace des phases. Il Ă©tudie pour commencer une situation mathĂ©matique encore plus simple, oĂč l’on suppose que la planĂšte est elle aussi de masse p nulle. Dans cette situation trĂšs simplifiĂ©e, la planĂšte et le satellite tournent autour de l’étoile, que l’on peut supposer fixe ; mais les pĂ©riodes de rĂ©volution sont en gĂ©nĂ©ral diffĂ©rentes, ce qui entraĂźne que les positions relatives de la planĂšte et du satellite apparaissent comme Ă©tant arbitraires. La deuxiĂšme Ă©tape de la dĂ©marche de PoincarĂ© consiste Ă  voir comment la situation mathĂ©matique Ă©volue lorsqu’on fait varier le rapport ” entre la masse p de la planĂšte et la masse e de l’étoile de zĂ©ro Ă  un nombre positif petit pour fixer les idĂ©es, le rapport des masses entre Terre et Soleil est de trois millioniĂšmes. C’est dans cette deuxiĂšme Ă©tape que PoincarĂ© commet une erreur sĂ©rieuse ; non seulement sa dĂ©monstration est fausse, mais le rĂ©sultat l’est Ă©galement. Comme le rĂ©sume F. BĂ©guin,9 ce rĂ©sultat affirme que les trajectoires qui ont un certain mouvement rĂ©gulier dans le passĂ©, mais dont le mouvement s’est ensuite dĂ©rĂ©glĂ©, finissent par “rentrer dans le droit chemin” et retrouver leur mouvement rĂ©gulier initial. En fait, PoincarĂ© sera obligĂ© de constater, dans la version corrigĂ©e de son mĂ©moire, celle qui paraĂźtra dans Acta Mathematica en novembre 1890, que les situations dans les deux directions du temps sont diffĂ©rentes et que la situation est bien plus complexe. C’est de cette observation que l’on peut dater le dĂ©but de la thĂ©orie du chaos ». Si cette thĂ©orie du chaos est effectivement en germe dĂšs le mĂ©moire de 1890, elle ne se dĂ©veloppe vĂ©ritablement que bien plus tard. Le mot de chaos lui-mĂȘme n’est utilisĂ© dans les mathĂ©matiques et les sciences physiques qu’à partir du milieu des annĂ©es 1970 ; il acquiert, Ă  la fin des annĂ©es 1970 et dans les annĂ©es 1980, le statut de concept nomade » qui tend Ă  obscurcir son importance ; fondamentalement, il permet en effet de rĂ©concilier dĂ©terminisme et imprĂ©dictibilitĂ©. Depuis la fameuse confĂ©rence du mĂ©tĂ©orologue Edward Lorenz en 1972 PrĂ©dictibilitĂ© le battement d’ailes d’un papillon au BrĂ©sil peut-il provoquer une tornade au Texas ? », jusqu’au personnage du roman 1990 et du film 1993 Jurassic Park, Ian Malcolm, spĂ©cialiste de la thĂ©orie du chaos, les exemples, du plus au moins sĂ©rieux, de l’intervention de ce nouveau concept abondent. Comme le montrent Aubin et Dahan,10 l’histoire qui va de PoincarĂ© Ă  la thĂ©orie du chaos est longue et complexe, mĂȘlant dĂ©veloppements conceptuel, politique et progrĂšs technique ; ce n’est pas le lieu d’y entrer ici. Ce qui nous intĂ©resse est comprendre comment l’erreur peut survenir, pourquoi elle est intĂ©ressante et, Ă  l’occasion de cette analyse, dĂ©crire certains aspects du processus de mathĂ©matisation. Il s’agit donc d’un point de vue purement internaliste, appropriĂ© dans ce contexte. Analyser le mouvement des planĂštes par des Ă©quations dĂ©duites des lois de Newton n’est Ă©videmment pas, Ă  la fin du XIXe siĂšcle, novateur. L’innovation de PoincarĂ©, dans ses travaux des annĂ©es 1880, consiste Ă  regarder le problĂšme avec une vision gĂ©omĂ©trique trĂšs Ă©laborĂ©e. La formulation initiale fait apparaĂźtre trois points reprĂ©sentant les trois corps, qui se dĂ©placent dans un plan ; on est donc dans une gĂ©omĂ©trie de dimension 2. On peut tracer leurs trajectoires possibles, mais ces dessins n’apportent rapidement pas grand-chose. Ce que fait PoincarĂ©, dans ce problĂšme comme dans les autres du mĂȘme type, est d’introduire un nouvel espace, qui n’est pas prĂ©sent dans notre perception initiale du problĂšme, mais le reprĂ©sente de maniĂšre efficace. Dans le cas du problĂšme Ă  trois corps rĂ©duit, on peut supposer que l’étoile est fixe, et que l’on dĂ©crit le satellite au moyen de ses coordonnĂ©es dans un repĂšre mobile centrĂ© sur l’étoile et dont le premier axe suit la trajectoire de la planĂšte. Dans ce repĂšre, tout se passe comme si Ă©toile et soleil Ă©taient immobiles. L’état du satellite est entiĂšrement dĂ©fini par sa position, naturellement, mais aussi par sa vitesse. Il faut donc quatre paramĂštres, deux pour la position, deux pour la vitesse, d’oĂč des considĂ©rations gĂ©omĂ©triques dans un espace de dimension 4. On appelle cet espace, espace des phases de l’équation. Il y a lĂ  l’archĂ©type du geste crĂ©ateur du mathĂ©maticien donner naissance Ă  un espace oĂč les concepts mathĂ©matiques vont se dĂ©ployer, mais qui n’est pas prĂ©sent aprioridans la question choix de l’espace des phases est dans une certaine mesure arbitraire, seule compte sa commoditĂ© pour reprĂ©senter la situation. Le deuxiĂšme geste du mathĂ©maticien est de faire varier une quantitĂ© qui ne varie pas ; en l’occurrence, c’est la masse fixe de la planĂšte qui devient variable pour le mathĂ©maticien. Ici, la transgression est plus marquĂ©e, car le formalisme mathĂ©matique s’oppose Ă  la rĂ©alitĂ© physique. En revanche, ce formalisme est d’une redoutable efficacitĂ©. Efficace, mais risquĂ©, puisque c’est prĂ©cisĂ©ment lĂ  que PoincarĂ© commet une erreur ! Ayant sous-estimĂ© la complexitĂ© de l’entrelacs entre les trajectoires, il a, trop rapidement, accordĂ© une rĂ©gularitĂ© trop forte Ă  la dĂ©pendance mathĂ©matique du mouvement par rapport au paramĂštre ” techniquement, il a pensĂ© que cette dĂ©pendance Ă©tait analytique, alors qu’elle n’était qu’infiniment diffĂ©rentiable. Cette erreur rendait fausse sa conclusion.

la vraie science est une ignorance qui se sait